Cours de croissance economique : les facteurs
Cours de croissance économique : les facteurs
1.2 – QUELS SONT LES FACTEURS QUI CONTRIBUENT A LA CROISSANCE ?
Introduction: de la croissance potentielle à la croissance effective
- La croissance économique correspond à une augmentation à long terme du volume de la production. On peut donc s’interroger sur l’origine de cette augmentation de la production. A long terme, ce sont les facteurs d’offre qui joue sur l’augmentation de la production.
ü La croissance est-elle due à une augmentation de la quantité de travail fournie par la population ?
ü Ou bien provient-t-elle d’un accroissement de la quantité de capital fixe (les biens d’équipements) mis à la disposition des travailleurs ?
ü N’est-elle pas due, surtout, à une utilisation plus efficace de ces facteurs de production que révèle la hausse de la productivité globale des facteurs ? Dans ce cas, le progrès technique et les innovations ne jouent-elles pas un rôle fondamental dans la croissance contemporaine ?
ü Dans ce cadre, on peut s’interroger sur le rôle des grandes institutions (entreprises, Etat, institutions de recherche et de formation) dans les fondements de la croissance ?
- La croissance potentielle se définit comme la croissance qui résulte de la combinaison de l'offre des facteurs de production : capital, travail et progrès technique. Autrement dit, il s’agit de la croissance maximale que peutobtenir un pays lorsqu’il mobilise tous ses facteurs de production (population active, équipement, productivité) sans déclencher de l’inflation. Les projections de croissance potentielle reposent sur des hypothèses qui reflètent les tendances passées observées (elles ne constituent donc pas des prévisions) de 3 dimensions :
ü La croissance de la population active occupée qui dépend de la croissance démographique, c’est-à-dire de la croissance naturelle de la population (naissance – décès) et du solde migratoire (immigration – émigration), et du taux d’emploi de la population en âge de travailler.
ü La croissance du stock de capital fixe dépend du rythme des investissements (achat de nouveaux équipements durables, de nouveaux bâtiments et de nouveaux logiciels) et du rythme de l’usure et de l’obsolescence du capital fixe (dépréciation ou consommation du capital fixe).
ü L’évolution du progrès technique, mesurée par celle de la productivité globale des facteurs, dépend principalement du rythme des innovations.
Compte tenu de l’évolution passée de ces trois dimensions, la croissance potentielle de la France ne devrait pas dépasser les 1,5% par an entre 2008 et 2015.
- La croissance effective correspond à la croissance réellement obtenue par le pays. Elle dépend essentiellement des variations de la demande globale qui comprend :
ü La consommation finale des ménages, c’est-à-dire tous les achats de biens et de services opérés par les ménages à l’exception du logement, qui dépend de l’évolution du pouvoir d’achat des ménages et de leur propension à consommer (part du revenu disponible qu’ils consacrent à la consommation).
ü La consommation finale des administrations, c’est-à-dire tous les achats de l’Etat qui ne sont pas considérés comme des investissements, qui dépend des décisions de l’Etat en matière d’évolution des dépenses publiques.
ü L’investissement en capital fixe des entreprises, des ménages et des administrations publiques, c’est-à-dire l’achat de biens d’équipement durables, de bâtiments et de logiciels, qui dépend de l’évolution de la demande, des profits réalisés et anticipés et de leur capacité à les financer.
ü Les exportations qui correspondent à la demande adressée aux pays par des non-résidents et qui dépendent de la compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des produits étrangers et de la croissance du pouvoir d’achat des non-résidents.
ü De la variation des stocks : un stockage profite à l’augmentation de la production, un déstockage contribue à son ralentissement.
Hausse du PIB = Hausse de la CF + Hausse de la FBCF + Variation du Solde extérieur +/- Stocks
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Lecture : en 2011, la hausse de la consommation finale a contribué pour 0,2 point aux 1,7% de croissance obtenue, soit à 11,7% de la croissance obtenue alors que la hausse de l’investissement est responsable à hauteur de 41,2% (0,7/1,7 = 0,412) de la croissance effective.
A – La croissance extensive : le rôle de la quantité des facteurs de production
- – La notion de croissance extensive
- La production de biens et services résulte de la combinaison du travail des actifs et des moyens de production disponibles (le capital fixe et les ressources naturelles). Si on accepte d’inclure les ressources naturelles et la terre dans le capital au sens large, on obtient deux facteurs de production : le travail et le capital. Cependant, les économistes vont assez rapidement constater qu’un troisième élément intervient pour rendre plus efficace ces deux facteurs : le progrès technique.
- La croissance extensive correspond à l’augmentation durable de laproduction obtenue par la simpleaugmentation de la quantité des facteurs de production, c’est-à-dire l’augmentation de la quantité de travail et l’augmentation de la quantité de capital. Un doublement du nombre d’heures de travail effectuées et un doublement du stock de capital se traduira par un doublement de la production.
- – La quantité de travail
- Les économistes classiques (Adam Smith, David Ricardo, Stuart Mill), à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, et Karl Marx (1818-1883) considèrent que seul le travail est productif de richesses, en particulier le travail dans l’industrie. Marx va distinguer :
ü Le travail qui correspond aux quantités d’heures passées dans l’entreprise pour produire en sachant que la durée du travail est déterminée par les propriétaires des moyens de production et que, depuis le début du XXe siècle, elle est encadrée par la loi (durée légale du travail) ;
ü La force de travail, c’est-à-dire les capacités physiques et intellectuelles que le travailleur mobilise aumoment de son travail. Le salarié loue sa force de travail contre un salaire qui tend à être égal à la valeur des biens de consommation nécessaires à la reproduction du travailleur et de sa famille. Autrement dit, le salaire est proche du minimum vital dans une société donnée.
Le capitaliste loue la force de travail pour en extraire une valeur supérieure à son coût. Il va donc faire travailler le salarié le temps nécessaire pour que ce dernier crée une valeur supérieure à la valeur de sa force de travail (le salaire). La plus-value est donc égale à la différence entre la valeur créée par le travailleur et sa propre valeur (son salaire). Lorsque le capitaliste vend les biens qu’il a fait produire, il transforme la plus-value en un profit qui va servir à accumuler du capital et des richesses. Le travail est donc au cœur de la dynamique du capitalisme.
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2. Au niveau macroéconomique, le facteur travail correspond principalement à la quantité de travail qui prend en compte le nombre de travailleurs mobilisés dans une activité rémunérée (la population active occupée) et la durée annuelle effective du travail.
Quantité de travail = Nombre d’actifs occupés x Durée annuelle moyenne effective du travail
Quantité de travail = Nombre d’emplois x Durée annuelle moyenne effective du travail
ü La population active occupée correspond à l’emploi global. Les économistes ne retiennent que le travail rémunéré. Ils excluent en conséquence le travail des bénévoles ou le travail des hommes et des femmes au foyer. L’importante et la croissance de la population active occupée dépendent de plusieurs facteurs :
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- L’importance et de la croissance de la population en âge de travailler (15-64 ans) dépendent de la croissance naturelle (naissances – décès) de la population et au solde migratoire (immigration – émigration). Une population jeune, dynamique en matière de naissance et au solde migratoire positif aura une croissance potentielle supérieure à une population vieillissante. On comprend ainsi pourquoi la croissance des pays émergents est supérieure à celle de la vieille Europe.
- Le taux d’emploi de la population en âge de travailler dépend de l’âge d’entrée (emploi des juniors) et de l’âge de sortie de la vie active (emploi des séniors) et du taux d’emploi féminin. Plus le taux d’emploi est élevé, plus la production sera importante. Dans tous les pays, le taux d’emploi des juniors diminue car la durée des études augmente. En revanche, le taux d’emploi des seniors augmente à la suite des réformes de la retraite qui repoussent à plus tard l’âge de sortie. De même, la mobilisation de la main-d’œuvre s’est accrue au cours du temps avec l’entrée massive des femmes sur le marché de l’emploi. Les taux d’emploi sont plus élevés aux Etats-Unis, au Japon et dans les pays scandinaves que dans la Zone euro. Ainsi, la croissance potentielle de la Zone euro souffre d’un sous-emploi des jeunes et des personnes de plus de 55 ans.
Taux d’emploi = Population active occupée/Population en âge de travailler x 100
Taux d’emploi par âge dans les pays de l’Ocde (en % de la population)
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La durée annuelle effective du travail prend en compte les heures réellement effectuées au travail. Elle dépend de la durée légale du travail, de la durée conventionnelle du travail et de l’absentéisme des travailleurs (maladie, maternité…). Toute hausse de la durée du travail doit se traduire par une augmentation de la production. La durée du travail est ainsi plus élevée dans les pays émergents que dans les pays développés. Elle est plus élevée aux Etats-Unis et au Japon que dans les pays de la zone euro. Toute hausse de la durée du travail doit se traduire par une augmentation de la production toutes choses étant égales par ailleurs. Mais, depuis les années 1960, on observe une baisse de la durée annuelle moyenne effective du travail. La chute a été plus forte dans les pays européens qu’au Japon et aux Etats-Unis. En 2011, un travailleur japonais effectue 1 726 heures de travail contre 1 705 heures aux Etats-Unis, 1 441 heures en France et 1 409 heures en Allemagne.
- Ainsi, la croissance annuelle moyenne du PIB de la Zone Euro entre 1913 et 2011 a été plus faible que celle des Etats-Unis ou celle du Japon car l’emploi a augmenté trois fois plus vite aux Etats-Unis et deux fois plus vite au Japon alors que la durée du travail diminuait moins vite dans ces deux pays. La quantité de travail a donc augmenté aux Etats-Unis (+ 0,85% par an en moyenne) plus vite qu’au Japon (+ 0,47% par an en moyenne) alors qu’elle a diminué en Europe (- 0,22% par an en moyenne en France). Cependant, le vieillissement des populations des pays développés devrait provoquer une baisse de la croissance potentielle de ces pays.
Evolution de l’emploi et de la quantité de travail dans certains pays (taux de croissance annuel moyen en %)
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- Conclusion : L’augmentation de la quantité de travail (population active occupée et durée annuelle du travail) explique, toutes choses égales par ailleurs, la croissance économique, c'est-à-dire l’augmentation durable de la production au cours du temps, car la force de travail est plus nombreuse et plus qualifiée pour participer à la production qu’auparavant. La contribution de la quantité de travail à la croissance économique a été significative au XIXe siècle (croissance extensive). Elle est beaucoup moins importante au XXe siècle, particulièrement en Europe (croissance intensive). Cependant, avec l’essor du secteur des services, la croissance de la fin du XXe siècle est redevenue plus intensive en emploi.
- – La quantité de capital physique ou technique
- Le capital physique ou technique prend la forme d’un stock de biens et de services servant à la production.
Il comprend :
ü Le capital circulant : stock de biens et de services détruits ou transformés au cours de la production, ce qui correspond aux consommations intermédiaires.
ü Le capital fixe : stock de biens d'équipement durables, de bâtiment et de logiciels utiliséplus d’un andansle processus de production.
Pour analyser la croissance d’un pays, les économistes néo-classiques s'intéressent essentiellement au rôle du capital fixe dans la production. La quantité de capital au sens strict correspond au stock de capital fixe que possèdent les agents économiques d’un pays. Ce stock comprend :
- Des biens d’équipement durable (durée de vie est supérieure à 1 an) ;
- Des bâtiments (bureaux, usines, établissements scolaires…) ;
- Des logiciels.
- L’investissement au sens strict est un flux de nouveaux biens d’équipement, de bâtiments et de logiciels qui viennent renouveler le stock de capital fixe déjà existant ou s’y ajouter. Un ménage qui achète son logement, une entreprise qui achète des machines à commande numérique, l’Etat qui fait construire un nouveau lycée…font un investissement.
Il ne faut pas confondre l’investissement avec les consommations intermédiaires qui désignent l’achat de biens ou de services qui disparaissent ou se transforment dans le processus de production (par destruction ou par incorporation). L’achat d’un bus est un investissement et l’achat d’essence une consommation intermédiaire…
Il ne faut pas confondre l’investissement et le placement qui correspond à l’achat de titres monétaires,de titres financiers où à l’ouverture d’un compte rémunéré. L’achat d’actions, d’obligations, de bons du trésor, est souvent présenté comme un investissement financier mais il est préférable d’utiliser le terme placement.
- Pour mesurer l’investissement, la comptabilité nationale utilise la notion de formation brute de capital fixe
(FBCF) qui correspond à l’achat, par les agents économiquesrésidents, de capital fixe dont la durée de vie estsupérieure à 1 an et dont la valeur est supérieure à 500 €. Le capital fixe comprend :
- Des actifs corporels = machines, bâtiments, routes, ponts etc…
- Des actifs incorporels = depuis 1995, les logiciels, les permis de prospection pétrolières, les œuvres récréatives, littéraires ou artistiques qui produisent des services pendant plusieurs années sont inclus dans la FBCF.
- La FBCF est un agrégat. On calcule donc la FBCF de chaque agent économique ; puis on fait la somme de toutes les FBCF de l'ensemble des agents résidents sur le territoire économique français. Cependant, chaque année, une partie de ce stock est mis au rebut soit parce qu’il est usé, soit parce qu’il est démodé technologiquement (obsolescence). Ce déclassement du capital fixe est appelé amortissement ou consommation de capital fixe. Ainsi, un équipement de 200 000 € dont la durée de vie prévue est de 5 ans perd chaque année une valeur de 40 000 €.
Amortissement = Valeur de l’équipement/Durée de vie de l’équipement
La notion d’amortissement a donc trois sens :
- Elle mesure la perte de valeur annuelle de l’équipement (dépréciation) ce qui représente le coût annuel du capital fixe pour l’entrepreneur ; un équipement de 100 000 € qui doit durer 10 ans, perd et coûte, d’un point de vue comptable, 10 000 € chaque année.
- Elle représente une somme d’argent (dotation) que l’entreprise doit mettre de côté afin de financer le remplacement du capital fixe usé ou démodé ; le chef d’entreprise doit mettre chaque année 10 000 € de dotation aux amortissements pour pouvoir racheter l’équipement lorsque celui-ci sera usé ou démodé.
- Elle mesure la valeur de l’investissement de remplacement nécessaire pour maintenir intact les capacités de production de l’entreprise.
- L’accumulation du capital fixe correspond donc à l’investissement net ou à la formation nette de capital fixe, c’est-à-dire la différence entre le flux positif qui augmente le stock de capital fixe (FBCF) et le flux négatif qui le diminue (Amortissement ou consommation de capital fixe). Elle permet de mesurer la hausse du stock de capital fixe :
Accumulation du capital = FBCF – Amortissement = FNCF
- Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, on peut observer trois grandes évolutions pour le facteur capital dans les pays industrialisés :
Augmentation du stock de capital fixe productif dans les pays de l’Ocde
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- La croissance du stock de capital entre 1950 et 2011 a été plus rapide au Japon (+ 5,5% par an en moyenne) qu’aux Etats-Unis ou en Europe (entre 2 et 3% par an). Le Japon a rattrapé son retard vis-à-vis des autres pays occidentaux.
- La croissance du stock de capital s’est ralentie à la fin du XXe siècle par rapport à la période des
« Trente glorieuses » (1945-1975) pour tous les pays développés. Ainsi, le stock de capital fixe a cru de 2% par an en moyenne entre 1973 et 2010 pour les pays de l’Ocde contre 4,5% par an entre 1950 et 1973 ce qui explique en partie la baisse de la croissance potentielle.
- Le stock de capital fixe a augmenté plus rapidement que l’emploi ce qui s’est traduit par une augmentation du capital par tête. Le capital par tête ou intensité capitalistique correspond à la valeur des biens d’équipement et de construction nécessaires pour qu’un travailleur puisse produire.
Capital par tête = Stock de capital fixe/actifs occupés = Stock de capital fixe/emploi
En 2011, un travailleur américain disposait en moyenne d’un capital fixe d’une valeur de 67 638 $ pour produire. En d’autres termes, il faut un capital fixe de plus en plus cher et de plus en plus sophistiqué pour produire un bien ou un service de nos jours, ce que Karl Marx avait énoncé dès la fin du XIXe siècle.
- Pour des raisons de commodités (la dépréciation du capital fixe est très difficile à mesurer), les comptables nationaux préfèrent utiliser la FBCF pour mesurer l’augmentation de la quantité de capital fixe. Les entreprises, qu'elles soient des sociétés non financières ou des entreprises individuelles réalisent la majeure partie de la FBCF. Les investissements productifs des entreprises peuvent être décomposés en trois grands types selon leur destination :
ü Des investissements de capacité désignent l'acquisition de biens d’équipement visant à accroître lescapacités de production de l'entreprise ou le stock de capital fixe puisque, par exemple, de nouvelles machines viennent s'ajouter aux anciennes. On met en place de nouvelles machines, de nouveaux bâtiments pour répondre à l’augmentation de la demande. Dans ce cas, la croissance va être principalement extensive. Ils représentent moins d’un sixième du total des investissements mais leur part augmente lorsque la croissance du PIB est plus forte et régresse avec la récession.
ü Des investissements de productivité (ou de rationalisation ou de modernisation) désignent l'achat d'uncapital plus performant, plus efficace en raison du progrès technique. Il permet de réaliser des gains de productivité et donc de réduire les coûts unitaires de production dans la mesure où il permet d'économiser de la main-d’œuvre par substitution du capital au travail. Dans ce cas la productivité augmente mais pas forcément la production. Ils représentent près d’un quart du total de la FBCF des entreprises françaises.
Des investissements de remplacement (de renouvellement ou amortissement) : ce sont les achats debiens d’équipement destinés à renouveler le capital fixe usé ou obsolète. Ces investissements maintiennent constant le stock de capital fixe. Dans ce cas, la production ne devrait pas augmenter. Ils représentent plus d’un quart du total des investissements.