Formation avance en management du changement
Formation avancé en management du changement
Partie 2 COMPRENDRE LES MECANISMES DE LA CONDUITE DU CHANGEMENT
Les terminologies de « changement, transformation, évolution » sont aujourd’hui beaucoup utilisées. Des méthodologies de conduite du changement, développées dans les entreprises, connaissent des limites. Mais ne doit-on pas également s’interroger sur les différentes variables du changement, sur les résistances qui peuvent être rencontrées et les leviers à utiliser pour les éviter.
LES VARIABLES DU CHANGEMENT
La mise en œuvre de la conduite du changement nécessite une compréhension de l’environnement et du contexte. C’est pourquoi, il est nécessaire d’aborder la notion de changement dans l’entreprise, les différents types de changements et les styles de conduite du changement qui peuvent leur être associés.
L’importance du changement dans la gestion des entreprises
L’entreprise n’est pas statique, c’est un ensemble dynamique qui évolue avec son environnement et qui représente un collectif dont les propriétés sont différentes de la somme des caractéristiques individuelles (page 86). L’entreprise doit donc faire face à des tensions « statique/dynamique », « interne/externe » et « individuel/collectif ». Ces tensions inscrivent l’entreprise dans une spirale du changement qui fait que chaque action peut être une forme de transformation.
Pour mieux comprendre la logique dynamique et de transformation, il semble important de décrire l’organisation. Une organisation est un ensemble de ressources (humaines, financières, matérielles, commerciales et fonctionnelles) coordonnées par l’un d’elles (les individus) pour la réalisation d’une finalité justifiée par la création d’une valeur monétaire et/ou sociale (page 87). La notion d’organisation peut également être expliquée par la mise en relation de deux axes : l’axe individuel/collectif et l’axe présent/futur. Au sein de ces axes, on trouve l’action et la stratégie. L’action est individuelle et présente alors que la stratégie représente le futur et est collective. L’action et la stratégie, opposées par leur définition, sont au cœur des processus organisationnels, elles doivent être en relation étroite. Leur gestion peut être assimilée à une courroie de transmission qui relie l’action à la stratégie. Elle devient conduite du changement quand elle adapte l’action (mise à disposition de ressources et réorganisation) à la stratégie et qu‘elle incite l’encadrement à s’interroger sur la réalisation et le bien fondé de cette stratégie. Il est également important que toutes les structures de l’entreprise se sentent concernées par cette transformation car une structure ne se limite pas à la réalisation de sa tâche mais participe à d’autres processus transverses avec d’autre structures.
L’instabilité environnementale contraint souvent l’entreprise à adapter ses plans stratégiques avec la difficulté de les faire appliquer par les activités opérationnelles. Ces changements peuvent être une réaction à des facteurs internes (stratégie, organisation, systèmes de gestion, outils, pratiques ou culture) et/ou externes (législation et réglementation, technologique, concurrence, client, financier et sociologique). Ces facteurs déclencheurs créent une rupture car il y a remise en cause sur la manière d’agir des acteurs concernés. Les techniques de conduite du changement doivent définir le dispositif à mettre en oeuvre pour répondre correctement à ces facteurs déclencheurs.
Typologie des changements en entreprise
La définition des différents types de changement fait ici référence à différents travaux (Gersick 1991, Miller 1982, Tushman et al. 1985) qui partent de l’idée qu’un changement peut se définir en fonction de son intentionnalité et de son rythme (page 91). L’intentionnalité oppose un changement déterminé par une transformation de l’environnement (changement imposé) à un changement résultant du choix des individus (changement volontaire). Le temps imparti pour la réalisation des changements représente le rythme. Il peut être brutal (modification globale du système organisationnel) ou progressif (évolution avec des phases de transition avec l’ancien système).
L’action de conduite du changement doit tenir compte de ce rythme. La rencontre des axes progressif/brutal et impose/volontaire permet d’identifier quatre types de changement présentés ci-après.
…
Typologies des démarches de conduite du changement
La conduite du changement analyse la capacité de l’organisation à se transformer, met en œuvre les leviers nécessaires à cette transformation et mesure les résultats. Différents styles de conduite de changement peuvent être envisagés en fonction de la typologie des changement précédemment présenté. Ici, les typologies des styles de conduite du changement ont été empruntées à Johnson et Scholes (1997) et sont les suivantes :
• Le style Education/communication consiste à aller à la rencontre de tous les acteurs pour leur fournir les informations du changement et travailler avec eux sur les méthodes de travail impactées par ce changement. Ce changement est de type « adaptatif » (brutal/volontaire) et les missions de conduite du changement sont souvent réalisées par les grands cabinets de consultants.
• Le style Collaboration/Participation a pour objectif d’expliquer le changement et de faire participer les acteurs à son déploiement. La collaboration se fait par une intégration du changement dans les pratiques quotidiennes des acteurs. Le type de changement est ici « construit » (progressif/volontaire). Le type d’acteurs qui réalise la mission sont les petits et moyens cabinets orientés psychologiques.
• Le style Intervention concerne une contrainte de changement explicite. Il faut bâtir une démarche de réalisation du changement tout en veillant à son acceptation. Une équipe projet définit une démarche et un groupe de travail propose et met en œuvre des solutions. Ce changement est de type « prescrit » (progressif/imposé) et les missions de conduite du changement sont souvent réalisées par les grands cabinets de consultants.
• Le style Direction/Coercition amène une équipe restreinte à prendre en charge le problème à l’origine de la crise et qui propose une solution tenable le plus rapidement. Le commandement est centralisé et les apports extérieurs sont des avis d’experts. Ce changement est un changement de « crise » (brutal/imposé) mené par des équipes internes avec des spécialistes.
La mise en œuvre de ces styles de changement dépendent du tissu culturel, composé de sept éléments : les routines, les mythes, les symboles, les structures de pouvoir, les structures organisationnelles, les systèmes de contrôle et le paradigme. Le tissu culturel et les styles de conduites de changement adéquats peuvent être schématisés comme suit :
…
La conduite du changement ne peut être traité indépendamment du contexte social dans lequel se produit le changement.
LES RESISTANCES AU CHANGEMENT
Le changement peut faire peur, comme la peur du vide et une période d’adaptation peut être nécessaire. Différents types de résistances peuvent également être observés.
Peur du vide et temps d’adaptation
Dans tous les projets, on retrouve la peur du vide, la peur de perdre son savoir-faire, son pouvoir, etc. Un des premiers réflexes est donc de repousser le changement. Souvent, cette dimension de résistance au changement, bien que connue, est omise. Un des enjeux de la conduite du changement est de faire prendre conscience aux acteurs que la perte d’un existant et les risques liés, sont justifiés par des progrès à venir. Une période d’adaptation est nécessaire aux acteurs concernés. Une des manières pour réduire ce temps d’adaptation et les perturbations qui en découlent (impact sur la productivité, perturbation) est de mettre les acteurs en situation de simulation en amont. Mais cela est difficile : les individus ont du mal à se remettre en cause et à inventer un futur incertain, d’où le développement de comportement de résistances.
Les actifs proactifs, passifs et opposants
Trois types d’acteurs peuvent être distingués dans un projet de conduite du changement : les décideurs (à l’origine du changement), l’équipe projet (conçoit, gère et réalise le changement), les utilisateurs/bénéficiaires qui représentent tous les acteurs concernés par le changement. Les lieux de résistance ne sont à priori pas dans les deux premiers groupes qui sont les promoteurs du changement. Les résistances au changement se trouvent plus souvent chez les utilisateurs qui n’ont aucun intérêt à promouvoir le changement. Trois types de comportements peuvent être distingués :
• Les proactifs sont favorables un changement et se positionne comme prescripteurs. On estime qu’ils représentent 10% des acteurs concernés.
• Les passifs sont en attente d’un résultat probant. Ils veulent être sécurisés. Ils représentent la majorité des utilisateurs, soit environ 80%.
• Les opposants, qui représentent 10%, sont contre le projet et avancent systématiquement des arguments contre.
La grille DRAS (Discours, routines, actions, symboles)
La grille DRAS est un outil qui permet d’analyser les résistances au changement à partir d’observations de différents lieux :
- discours : le repérage des discours et de leurs émetteurs donne des indications, pour les actions de conduite du changement, sur les cibles et la nature des messages à passer.
- routines : il s’agit de manières de faire non formalisées, construites dans l’histoire et qui orientent le comportement des individus.
- actions : elles sont visibles car elles ont des conséquences concrètes et sont souvent le fait d’acteurs opposants.
Ils s’agit souvent d’actions sur les ressources, de reroutage (mise en place d’un projet concurrent), de discrédit ou encore d’inertie.
- symboles : c’est un concept proche de la routine. Ils peuvent être des facilitateurs ou des freins.
Cette analyse permet de déterminer les cibles du changement, c’est à dire des groupes d’acteurs qui développent un comportement similaire.
LES LEVIERS DE LA CONDUITE DU CHANGEMENT
Pour initier et mettre en œuvre le changement dans les organisations, trois grandes catégorie de leviers sont identifié : la communication, la formation et l’accompagnement
La marketing interne et la communication
Dans tout projet de conduite de changement, il est nécessaire de communiquer. On parlera plus de marketing interne que de communication car celle-ci sera déployée selon une logique marketing, en fonction des cibles, composée des groupes similaires précédemment identifiés. Mais il ne suffit pas de simplement communiquer (« je l’ai dit, donc c’est compris »). La communication doit tenir compte des éléments d’interprétation de chacun. Sa finalité doit être définie au préalable. La communication transmise doit être assimilée, pour cela elle nécessite la mobilisation d’un langage et le support est également important. Les pathologies de la communication (dérives, page 127), qui peuvent être le fait des émetteurs ou bien des destinataires, doivent également être évités. Les processus de conduite du changement ont à leur disposition différents outils de communication (documentation, affiches, dépliants et plaquettes, sites Web et forums, conférences et réunions). Leur utilisation sera fonction du caractère plus ou moins collectif de la cible et de l’interactivité souhaitée. Pour chaque population identifiée, ces différents outils seront mobilisés dans le cadre de la réalisation d’un « mix com » (le bon message, au bon moment avec le bon média).
La formation
La formation est l’un des premiers leviers mobilisé dans les projets de changement car il faut dispenser aux acteurs le savoir et les connaissances indispensables à la réalisation des nouvelles tâches qui leur seront confiées. Le besoin de formation doit être identifié à partir de l’écart entre les connaissances attendues et les connaissances réelles. Le contenu de la formation à délivrer peut alors être proposé : la formation sera conceptuelle, méthodologique ou fonctionnelle, Le support de formation reste alors à définir (e-learnig ou présentiel) ainsi que le lieux (interne ou externe). Toutes les réponses apportées constituent le plan de formation. La qualité de la formation délivrée est importante. Aussi, doit-on s’assurer de sa réalisation et avoir le sentiment des stagiaires. Le e-learning, formation à distance, peut être une opportunité technologique pour les projets de changement. Il permet à des personnes d’avoir accès à des contenus de formation sans contrainte logistique, sans déconnexion avec leur activité. Le système est souple et permet de pouvoir programmer sa formation en fonction des exigences concrètes de l’activité. Un des gros avantages de la formation en ligne est son coût par rapport à la formation présentielle. Mais il ne faut pas perdre de vu que le retour sur investissement d’une formation est avant tout la qualité de l’apprentissage, d’où l’intérêt de connaître l’appréciation du stagiaire. La formation représente un budget important dans un projet de conduite du changement. Par rapport à la communication, le rapport est de un à trois.
L’accompagnement
L’accompagnement permet de créer une relation qui rassure pendant le changement. Il se décline au travers de trois actions : le traitements des impacts, le coaching et la création de nouveaux outils de gestion.
• Le traitement des impacts est un accompagnement « collectif ». Il peut se faire par l’identification de la cible du changement et les impacts (écarts) qui la concernent. L’analyse des impacts se fait par une fiche d’impacts (page144). Cette dernière est complétée par les acteurs clés dans la structure analysée ou sous forme d’ateliers. Des brainstorming avec des opérationnels peuvent aussi être organisés pour les amener à définir l’impact du changement et les actions à mener, le résultat des réflexions doit être formalisé sur la fiche d’impact.
• Le coaching est un accompagnement individuel. Son objectif est de permettre aux managers de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ils mènent leur action de changement. La méthodologie consiste, lors de trois entretiens de deux heures, à apporter des réponses à neuf questions. Le premier groupe de questions concerne les manières qui ont conduit à la décision du changement. Le deuxième groupe s’attache aux modalités de réalisation du changement. Et enfin le dernier groupe porte sur l’exploitation et le suivi du changement. Les réponses à ses questions permettent de dresser un plan d’actions.
• Le traitement des impacts et le coaching nécessitent une adhésion des acteurs au changement, mais cela n’est pas toujours le cas. La création de nouveaux outils de gestion est utilisée pour avoir une vue différente d’un environnement de travail produisant ainsi un changement de représentation. Un outil de gestion est un moyen de représenter l’activité dans le temps et l’espace pour apprécier la réalisation d’une tâche, la consommation de ressources et l’obtention de résultats (page 150). La modification des outils oblige les acteurs à modifier leurs pratiques mais également à réfléchir sur l’intérêt et la finalité de ces mêmes pratiques.
Partie 3 REALISER UNE ACTION DE CONDUITE DE CHANGEMENT
Cette troisième partie nous propose de transformer en actions ce qui n’était avant qu’une réflexion. Pour la réalisation du diagnostic, la méthode Change Way est proposée. Pour la phase de mise en œuvre, dix outils sont présentés et les outils de pilotage sont complétés par le tableau de bord Change Scorecard.
DIAGNOSTIQUER SES BESOINS DE CONDUITE DU CHANGEMENT AVEC LE MODELE CHANGE WAY
Le modèle Change Way est un guide méthodologique pour la réalisation d’un diagnostic du changement. Il est composé de trois phases qui définissent respectivement les frontières du projet, les caractéristiques de son contexte et la proposition d’un projet de conduite de changement. La frontérisation (page 158) consiste à identifier le style de conduite de changement à adopter ainsi qu’à cartographier les acteurs. L’analyse du contexte se fait par le repérage des changements et le positionnement des acteurs. Ces deux phases permettent de définir les leviers à utiliser et de proposer un projet.
La cartographie des acteurs
L’identification des acteurs concernés par le changement est très importante, afin, par exemple, de mieux identifier les résistances, d’avoir une communication adaptée. La difficulté est d’appréhender une vaste population sans nier les individualités, tout en se dotant de mailles d’analyses significatives. On distinguera une première typologie en fonction du rôle des individus dans le projet : les acteurs principaux et les acteurs collatéraux. Les acteurs principaux sont composés des décideurs, des prescripteurs, des installateurs et des utilisateurs. Les trois premières catégories ne peuvent être que favorables au projet, mais une typologie des utilisateurs doit être faite. Les regroupement seront fonction du métier, de la zone géographique, du niveau hiérarchique et des propriétés signalétiques (âge, sexe, etc.). Cette typologie peut être utilisée une à une ou de manière combinée. Les critères de segmentation doivent être définis afin de reporter sur une grille typologique (page 162) les différentes catégories d’utilisateurs. Un degré d’importance (incontournable, nécessaire, peu influent) est également qualifié en fonction du rôle de moteur de la catégorie pour la réussite du projet. Un niveau de risque (refus, modification, acceptation) est également défini en fonction des résistances au changement de la typologie.
Les cadrans du changement
Le cadran du changement est un outil qui permet d’analyser les impacts du changement sur les typologies d’acteurs précédemment définies. Il présente huit dimensions : l’organisation, le fonctionnement, le management, les outils, les critères de performance, le comportement, les compétences et la culture. Chacune de ses dimensions est graduée : le niveau 1 signifie un changement nul ; 2 un changement limité ; 3, important et 4 fondamental.
- L’axe structure/organisation mesure l’impact sur les activités et l’organisation sousjacente.
- L’axe fonctionnement/relation s’intéresse aux règles et pratiques qui régissent les rapport de travail des individus.
- L’axe management concerne tous les outils et dispositifs qui coordonnent l’action des individus.
- L’axe outils fait référence à l’évolution des outils informatiques dans l’environnement de travail.
- L’axe des critères de performance définit les mesures de performance et productivité utilisée.
- L’axe comportement décrit les règles tacites qui régissent les rapports en les individus.
- L’axe compétences présente les évolution de savoir et savoir-faire nécessaires.
- L’axe culture reflète les valeurs de l’entreprise auxquelles s’identifient les individus pour fonder le collectif.
Un questionnaire, relatif à chaque axe, permet de définir ces cadrans du changement.
Les segments du changement
Trois comportements ont été identifiés précédemment face au changement : les opposants, proactifs et passifs. Même si la règle des 10/10/80 est souvent respectée, il faut mesurer les comportements face au changement, ce que permet l’outil : les segments du changement. Cet outil est composé d’un questionnaire de huit questions auxquelles sont associées quatre réponses types qui représentent l’avis des personnes face au changement. Les quatre réponses expriment quatre états de réceptivité : proactivité, passivité, opposition et absence d’opinion. Ce questionnaire est complété soit par tous les individus, soit par un échantillon représentant les typologies déjà repérée. Un analyse globale permet ensuite de connaître la répartition des proactifs, des passifs et des opposants.
La grille des leviers Les outils précédemment présentés et leurs renseignements servent à élaborer la grille des leviers qui la quatrième composant du modèle Change Way. Pour chaque typologie, cette grille définit un niveau de formation, de communication et d’accompagnement.
…
Les différents scores s’obtiennent à partir des cadrans et des segments. Le score de la formation correspond au score de l’axe outil et compétence, divisé par deux, le score communication est la somme des scores des axes culture, organisation et fonctionnement, divisée par trois et le score de l’accompagnement est la division par trois de la somme des axes comportement, critères de performance et management. Une pondération, en fonction des informations des segments est également effectuée : pour le segment « sans opinion », la communication est pondérée à 1,5 ; pour les passifs, pondération de 1,25 des trois leviers ; pour les opposants, pondération de 1,5 des leviers communication et accompagnement, les leviers ne sont pas accentués pour les proactifs.