Cours sur les outils du management evenementielle
Cours sur les outils du management événementielle
Qu’il s’agisse de manifestations à caractère professionnel ou festif, tous les organismes ont ou auront, un jour ou l’autre, à organiser ce qui est communément appelé un " événement ". Si la préparation et la réalisation de ces événements sont perçues comme des projets, la mise en œuvre des méthodes et des outils du management de projet n’est pas aujourd’hui répandue dans ces activités. Les projets événementiels sontils des projets comme les autres ? L’approche ici développée tendrait à le démontrer….
L’organisation d’événements ponctuels tels que congrès, colloques, concerts ou mariages est en voie de devenir une discipline à part entière. Plusieurs organisations en font maintenant leur spécialité. Il existe de nombreux guides qui proposent des méthodologies visant à optimiser leur déroulement. Cependant aucune de ces méthodologies n’utilise la démarche classique de gestion de projets intégralement. Cet article a donc pour but de proposer une adaptation de l’approche de gestion de projets à la gestion des événements.
La gestion de projets événementiels comporte des attributs qui la distinguent de la gestion de projets dans d’autres secteurs d’activités. Le premier est l’invariabilité de l’échéance. Dans la mesure où celle-ci est annoncée longtemps à l’avance à un grand nombre de participants, la seule alternative au respect de l’échéance est l’annulation de l’événement. Le deuxième attribut est la concentration du résultat de nombreuses activités préalables dans un laps de temps limité. Il serait en effet impensable d’organiser un événement au fur et à mesure qu’il se dé- roule. Le troisième est la " consommation " du livrable au moment où l’événement est tenu. Après celui-ci, il ne reste la plupart du temps que son souvenir.
Aussi, beaucoup d’événements se déroulent dans un contexte où l’on doit coordonner un grand nombre de ressources, souvent bénévoles, afin de satisfaire un grand nombre de parties prenantes, sur un échéancier relativement long, compte tenu de l’importance du budget.
Méthodologie de gestion de projets
La plupart des ouvrages spécialisés en gestion événementielle publiés à ce jour proposent une méthodologie pragmatique résultant essentiellement de l’expérience vécue de leurs auteurs. Rarement fait-on référence à un construit plus large et plus géné- ralisable comme celui que nous propose la méthodologie classique de gestion de projets. Pourtant celle-ci semble particulièrement bien adaptée aux caractéristiques des événements. Elle gère spécifiquement les échéances, le budget et la qualité. Elle prend en compte la complexité et se caractérise elle-même par une portée temporelle limitée. Elle comporte cependant aussi ses limites, que nous explorons dans les paragraphes qui suivent.
Le modèle proposé, en deux temps, cinq processus
Les événements, nous l’avons dit, se préparent longtemps à l’avance et se déroulent rapidement, la plupart du temps. Les gestionnaires de projets événementiels et leurs équipes doivent donc se préparer à une gestion en deux temps : la période de préparation de l’événement dans un premier temps, puis la gestion de celui-ci pendant son déroulement, dans un deuxième. Pour la gestion de ces deux temps, nous nous sommes inspirés en partie du modèle de gestion de projets en cinq processus du Project Management Institute (PMI). Ils sont : démarrage, planification, réalisation, gestion et contrôle, clôture. Nous l’avons choisi de préférence à ceux qui en comportent quatre. En effet, nous utilisons une version adaptée du processus de gestion et de contrôle comme outil pour gérer le déroulement de l’événement, soit le deuxième temps.
• Processus 1 : Le démarrage
Ce processus peut lui-même être décomposé en six étapes1, toutes adaptables à la gestion des événements.
1• Identifier les enjeux stratégiques externes (approche descendante).
L’identification des enjeux stratégiques telle qu’elle est entendue dans cette étape fait référence à la découverte des besoins externes que le projet serait en mesure de combler. Elle implique donc la désignation de clients ou " bénéficiaires " du résultat du projet, pour lesquels celui-ci représente une valeur ajoutée. C’est ici que l’équipe de projet prendra conscience non seulement des parties prenantes en présence, mais aussi des éventuelles différences qui distingueront les attentes de chacune d’elles.
À partir des enjeux stratégiques identifiés, un projet est élaboré. Cette vision, qui correspond à la finalité et aux objectifs de l’entreprise, prend la forme de projets qui contribuent à la réaliser. Souvent portée par les cadres supérieurs, cette vision pourrait prendre la forme de projets proposés par la direction. Dans le contexte de la gestion de projets événementiels, la " mission " de l’événement a souvent des origines communautaires. C’est pourquoi l’un des facteurs-clés de succès est la capacité des organisateurs à bien comprendre les besoins du milieu et à entretenir avec ses principaux représentants une communication efficace. De plus, dans le cas de conférences ou de congrès, les liens utiles avec la communauté incluent la possibilité de recruter des conférenciers, commanditaires et des participants prestigieux. Nous reviendrons sur ce sujet dans le processus de planification.
2• Identifier les enjeux stratégiques internes (approche ascendante).
L’identification des enjeux stratégiques internes fait référence à la dé- couverte des besoins que le projet est en mesure de combler dans l’entreprise qui organise l’événement. Elle implique donc la désignation de " bénéficiaires " internes du résultat du projet, pour lequel celui-ci représente une valeur ajoutée. Le projet est donc élaboré cette fois-ci à partir des enjeux, opportunités et contraintes de l’entreprise. Souvent portée par les employés, cette vision pourrait prendre la forme de projets soutenus par l’ensemble de ceux-ci.
En gestion de projets événementiels comme ailleurs, les projets qui valorisent les compétences disponibles dans l’entreprise sont favorisés. Un des facteurs-clés de succès est la présence de gestionnaires de projets expérimentés et mobilisateurs, d’une équipe de projet compétente et motivée ainsi que de systèmes de soutien administratif appropriés. Dans ce cas, l’utilisation de bénévoles et le recrutement de commanditaires distinguent souvent ce type de projets. De même, l’horaire de travail est souvent en dehors des heures habituelles. Ces projets intéressent donc des personnes ayant des profils professionnels spécifiques. Pour les mêmes raisons, des outils administratifs de soutien permettant une grande flexibilité sont mieux adaptés au contexte.
3• Choisir les critères d’évaluation.
Cette étape permet l’appariement des enjeux externes/internes, tels que perçus par l’ensemble des parties prenantes. Le client choisit son fournisseur, le fournisseur choisit son projet. Les deux le font à la lumière de leur perception de leurs propres besoins et de leur évaluation de la capacité de l’autre à les satisfaire. Ceci donne lieu à l’utilisation de techniques de décision variées. Chacune d’elles, tout en conférant au processus une allure de grande objectivité, permet d’observer les priorités de chacun et de commencer ainsi à créer une vision commune, à partir de laquelle les rôles et les tâches seront organisés.
Les critères d’évaluation les plus usuels sont :
• Intérêt stratégique externe ou motivation des promoteurs à réaliser l’événement;
• Taille, intérêt stratégique et économique interne de l’événement;
• Appariement du projet avec la compétence des ressources internes;
• Pertinence temporelle, disponibilité et motivation;
• Intérêt scientifique et innovation;
• Risque.
4• Choisir le meilleur projet.
C’est ici que les parties prenantes internes négocient les enjeux reliés aux différents projets. Les alliances, les rivalités, les jeux de pouvoir se trouvent exprimés par ce choix. Chaque projet est donc évalué quant à son opportunité, à son impact positif ou négatif et à sa pertinence par rapport aux attentes du promoteur. Chaque événement proposé est donc associé à un besoin, des résultats anticipés et des indicateurs qui permettent d’observer sa réalisation en cours de projet. Les aspects de la visibilité, de la notoriété et de la crédibilité sont souvent dominants dans l’évaluation des projets événementiels.
5• Étudier sa faisabilité, ses risques.
Sous réserve des conclusions des étapes précédentes, l’équipe de projet procède à l’évaluation de la faisabilité technique, financière et organisationnelle du projet. Maintenant centrés sur la tâche à accomplir, les gestionnaires évaluent l’opportunité de réaliser le projet dans le contexte des objectifs à atteindre, ayant pris conscience des risques associés. Les principaux risques reliés à la tenue d’un colloque sont répertoriés dans le tableau 1.
6• Prendre la décision d’entreprendre.
Cette étape est en fait l’occasion de vérifier la pertinence du projet. Le résultat de cette démarche prend la forme d’un consensus quant à l’intérêt des parties et à leur engagement de voir ce projet se réaliser.
Processus 2 : La planification
Depuis que la discipline existe, la gestion de projets, dans la conception populaire, est assimilée essentiellement au processus de planification. Les méthodologies et technologies qui permettent de la réaliser abondent. Dans le modèle que nous avons choisi, ce processus comporte aussi six étapes, également toutes adaptables à la gestion des événements. Ces étapes sont :
1• Décomposer l’événement en lots d’activités élémentaires; préparer la Structure de fractionnement des tâches (SFT).
La première tâche consiste à identifier des ensembles cohérents d’intérêts et de responsabilités qui regroupent les activités par types. Puis, ces activités sont par la suite détaillées afin qu’elles soient claires et mesurables. En contexte de projet événementiel, l’usage veut que l’on fonctionne par comités et sous-comités qui ont la responsabilité de mener à bien une série d’activités complémentaires. Le schéma 1 présente un modèle typique de projet événementiel représentant des groupes d’activités pouvant chacun être confié à un comité.
Le nombre et la nature des comités dépendent essentiellement de quatre facteurs :
• La taille et la nature de l’événement : L’organisation d’un événement régional réunissant quelques dizaines de personnes triées sur le volet et intéressées par un sujet très pointu ne demande par la même organisation qu’un événement grand public ou qu’un sommet international.
• L’échéancier : Selon les délais disponibles entre la conception du projet et le moment de sa tenue, l’organisation initiale des ressources doit faire en sorte que l’utilisation de celles-ci soit optimisée.
• La nature et la disponibilité des ressources : La compétence, l’expérience et l’engagement des res- sources disponibles sont autant de facteurs qui influencent la planification. Gérer un groupe de bénévoles peut demander une approche différente de celle d’une équipe-projet dont les membres ont l’habitude de travailler ensemble.
• Les besoins propres aux organisateurs : La démarche et la planification doivent répondre aux attentes des individus qui en assument la responsabilité tout au long du déroulement. Puis, les comités et le gestionnaire de projet conviennent d’une version plus détaillée de l’organisation des tâches (cf. schéma 2).
2• Estimer les coûts, les durées, les objectifs de qualité, identifier les ressources requises, faire une description détaillée des activités.
Comme il se doit, chacune des tâches identifiées fait l’objet d’une fiche descriptive complète. La description des activités doit être claire, détaillée, précise et mesurable. En cela, ces conditions ne diffèrent pas en contexte événementiel de celles exigées par les projets d’autres natures.
3• Effectuer l’ordonnancement, produire le chemin critique et les budgets.
Le but de cette étape est d’établir la séquence selon laquelle les activités se déroulent et de l’optimiser en fonction de la disponibilité des ressources et des objectifs du projet. Pour ce faire, il faut déjà fixer une date de tenue de l’événement. Celle-ci tient compte d’un préavis raisonnable pour les participants comme pour les organisateurs et les conférenciers, le cas échéant. De plus, on s’assure également non seulement qu’elle n’entre pas en conflit avec un autre événement auquel les participants pourraient être conviés, mais qu’elle correspond aux us et coutumes du secteur concerné. On procède alors à l’établissement du chemin critique, c'est-à-dire la suite des activités qui influencent directement la durée du projet.
4• Décider de l’organisation des ressources humaines et matérielles, niveler et optimiser.
On révise à cette étape le chemin critique, en prenant en compte cette fois la disponibilité et l’utilisation des ressources. Cette activité ne diffère pas essentiellement dans les projets événementiels par rapport aux autres projets, si ce n’est que lors de la tenue de l’événement, on peut presque considérer que celle-ci constitue un projet, à l’intérieur du projet. Les activités reliées à cette période seront gérées différemment des autres. Nous y reviendrons plus loin.
Les principaux outils usuels sont :
- Un ordonnancement logique des tâches (cf. tableau 2)
- Une affectation des responsabilités (cf. tableau 3)
- Un diagramme de Gantt (cf. schéma 3)
Non seulement ces techniques classiques sont éprouvées et largement documentées, mais elles offrent des avantages de contrôle évidents par rapport à celles traditionnellement utilisées dans la gestion des événements, notamment l’utilisation de listes de vérification comme outil de gestion principal ou même exclusif. Elles permettent en effet de planifier avec précision les échéances pour accomplir les tâches et permettent aussi l’établissement d’étapes charnières auxquelles les décisions stratégiques sont prises.
5• Mettre en place les outils documentaires de suivi.
Les outils documentaires de suivi doivent être conçus et mis en place dès la conception du processus de planification pour assurer la pertinence des moyens de suivi en fonction de la nature des tâches à suivre. Ils sont utilisés lors des processus de réalisation et de gestion et du contrôle qui se font en parallèle, ainsi que lors du processus de clôture. La planification rigoureuse d’un événement, même conduite avec professionnalisme et selon les méthodes reconnues, ne garantit pas la conformité entre les prévisions et les résultats. Il y a en effet toujours une part d’imprécision et/ou d’incertitude. Afin de suivre, contrôler et éventuellement ajuster le déroulement de l’événement en processus de réalisation, il est essentiel de se donner des outils qui offrent au gestionnaire de projet et à son équipe une rétroaction des activités en cours, de celles qui sont complétées, ainsi qu’un état global de la situation à des moments précis de sa réalisation. Nous proposons l’utilisation d’outils qui sont, pour plusieurs, les outils habituels de la discipline. Ils conviennent en effet au contexte événementiel. Nous en ajoutons quelques autres, plus spécifiques aux projets événementiels. Ils seront décrits plus en détail dans le processus de clôture.
6• Obtenir l’engagement des parties prenantes.
Une fois la planification complétée, on s’assure que le projet, tel qu’il apparaît maintenant, convient à l’ensemble des parties prenantes. Les gestionnaires et membres de l’équipe sont impliqués au premier chef, mais l’ensemble des parties prenantes, surtout dans les cas où les risques sont élevés, ont avantage à être consultées à ce moment. En effet, des événements inattendus surviennent inévitablement en cours de réalisation : retrait de dernière minute d’un panéliste, retard de l’avion du conférencier vedette, problème de projecteur ou simplement retard sur le chemin critique des tâches planifiées. La gestion des risques s’effectue au moment de la planification. La méthodologie d’analyse des risques pour un projet événementiel (dont les principaux sont décris dans le Tableau 1) ne diffère pas essentiellement de celle utilisée pour les autres types de projets. Elle prend généralement la forme d’une révision en comité des activités, des tâches et du support matériel requis à chaque étape de réalisation du projet, de l’identification des risques relatifs à chacun d’eux et de la mise en place de mesures d’évitement ou d’atténuation.
• Processus 3 : La réalisation
Au moment où l’événement doit se dérouler, nous avons :
1• Une vision partagée: tant les groupes que les individus connaissent les objectifs du projet et leur contribution spécifique.
Dans le contexte événementiel, cette vision prend la forme de l’image que les organisateurs veulent donner à l’événement. Elle se concrétise donc dans le souci des détails qui assurent la satisfaction des participants tout au long du déroulement. Cette image fait l’objet d’une stratégie de communication cohérente, tant auprès des membres de l’équipe et des partenaires/commanditaires/fournisseurs que des participants. Elle se traduit aussi, pour les membres de l’équipe, par une excellente connaissance de ses propres responsabilités et de celles de ses collègues. Ceci est crucial lors de la tenue de l’événement.
2• Un plan d’action personnalisé: tant les groupes que les individus disposent d’un plan précis.
La gestion événementielle se faisant pratiquement en deux temps, soit la préparation, puis la tenue de l’événement, on distingue le plan d’action de l’une et de l’autre. Dans le premier cas, ce plan respecte le plus précisément possible l’attribution initiale des tâches. C’est ce qui est le plus susceptible de favoriser l’efficacité et l’efficience. Par contre, lors de la tenue de l’événement, la prise d’initiatives de la part des membres est encouragée dans la mesure où le temps ne permet pas toujours d’avoir recours aux personnes désignées. La mise en place d’une " salle des commandes " est d’ailleurs appropriée pour les grands événements afin de pouvoir coordonner les mesures de dernière minute et les imprévus.
Parmi les tâches dont ce groupe assure la supervision, signalons :
• L’accueil et les communications : L’accueil des participants, des conférenciers, des dignitaires, des journalistes, des fournisseurs et partenaires est l’une des fonctions centrales de ce type de projet.
• La sécurité : En collaboration avec l’établissement hôte, il est essentiel d’assurer la sécurité des personnes et du matériel. Il est souvent approprié d’avoir recours à des polices d’assurance pour partager le risque.
• La signalisation : Les participants doivent trouver l’endroit facilement et rapidement.
• La logistique et l’animation : Le dé- roulement sans accroc apparent est essentiel au succès. Toutes les pré- cautions d’usage quant au bon fonctionnement des équipements sont de mise, mais le choix le l’animateur et son aptitude à gérer l’horaire est aussi extrêmement important.
3• Une disponibilité et un engagement de toutes les ressources nécessaires : tant les groupes que les individus possèdent la compétence et la motivation requises.
Dans la gestion événementielle, il arrive fréquemment que l’on ait recours à des bénévoles. Les attentes vis-à-vis de ceux-ci ne sont pas essentiellement différentes de celles d’employés réguliers, mais leur gestion fait appel à une attitude et à des compétences spécifiques de la part des gestionnaires. On compte, en particulier lors de la tenue de l’événement, sur un climat de tolérance et de bonne humeur!
4• Un système de rétroaction personnalisée: tant les groupes que les individus disposent d’outils de mesure performants qui comparent les prévisions au réel.
Ce sujet sera traité en détail dans le processus suivant. Soulignons ici que la transparence quant à l’état d’avancement des travaux est toujours un avantage.
5• Une définition claire des niveaux de responsabilité : tant les groupes que les individus connaissent les limites de leur autonomie.
Tenant compte des particularités que la " salle des commandes " impose lors de la tenue de l’événement, il demeure essentiel que toutes les personnes et tous les groupes connaissent précisément et respectent leur niveau hiérarchique. Les écarts à cette règle, selon les circonstances, seront convenus à l’avance.