Cours de formation d’introduction au diagnostic strategique des entreprises
Diemer Arnaud
_____________
IUFM D’AUVERGNE
Préparation : CAPET, PLP
_________________________________________________________
ECONOMIE D’ENTREPRISE
__________________________________________________________
Partie III : La stratégie des entreprises
Chapitre 11 : Le diagnostic stratégique
MOTS CLES
- Autofinancement - Bilan Social
- Compétitivité - Chandler
- Cession d’actifs
- Crédit Bail
- Diagnostic interne/externe
- Equilibre financier
- Externalités - Flexibilité
- Innovation
- Modèle de Porter
- Modèle Ressources-Compétences
- Modèle SWOT
- Plus-value
- Paradoxe d’Icare
- Productivité - Qualité
- Rentabilité - Segmenter
- Sous-traitance
- Stratégie sociale
Introduction
Les entreprises sont sans cesse confrontées à la question de leur développement. Face à la concurrence, à l’émergence de nouveaux produits et à l’évolution des modes de consommation (donc de la demande), elles doivent s’interroger sur la situation et les perspectives de l’ensemble de leurs activités. Afin de maintenir leur compétitivité et d’assurer leur survie, les entreprises conçoivent ainsi une stratégie entendue comme «la détermination des buts et objectifs à long terme d’une entreprise et le choix des actions et de l’allocation des ressources nécessaires pour les atteindre » (A. Chandler). La stratégie correspond à une vision de l’avenir de l’entreprise à un moment donné et fournit une certaine cohérence de l’action de ses différents partenaires et acteurs.
Dans le processus de formation de sa stratégie, l’entreprise analyse d’abord toutes les dimensions de son environnement pour détecter ce qui peut constituer des opportunités de développement, ou au contraire des menaces. Ce diagnostic externe est ensuite mis en relation avec les ressources internes de l’entreprise, ses forces et ses faiblesses (diagnostic interne). Dans le cadre de ce schéma très général, les travaux portant sur la stratégie ont toujours privilégié l’une ou l’autre des dimensions. Pendant longtemps, l’analyse de l’environnement de l’entreprise a été dominante. Il s’agissait alors de mettre en évidence les activités les plus prometteuses ainsi que les facteurs de compétitivité les plus pertinents, l’entreprise devant ensuite s’adapter à ces conditions. Mais il est apparu que l’entreprise participait aussi à la construction de son environnement, la mobilisation de ses ressources, de ses compétences et de son organisation permettant de créer un avantage par rapport à ses concurrents.
Une fois, le diagnostic stratégique effectué, l’entreprise doit choisir des axes stratégiques. Ces choix concernent des domaines dans lesquels l’entreprise doit s’engager en vue d’acquérir des avantages concurrentiels et une compétence distinctive qui la rendent différente des autres firmes : il s’agit de recenser les sources de l’avantage concurrentiel afin de sélectionner les différents domaines de développement (secteurs, produits, marchés, clientèle, technologie ).
Ensuite, l’entreprise devra identifierles types de stratégies possibles pour conquérir les domaines choisis. Si la stratégie se réalise par des modes de croissance variés (interne ou externe), ses formes sont également très différentes. Il peut s’agit de stratégies inter-sectorielles (spécialisation, intégration, diversification, ), de stratégies interentreprises (techniques d’impartition, alliances ) ou encore de stratégies tournées vers l’international (stratégies d’exportation et d’internationalisation).
Enfin, la cohérence entre le potentiel des ressources et les modalités de développement retenues (types de stratégies) est assurée par l’établissement de plans stratégiques et de budgets. C’est le principe de l’allocation optimale des ressources.
LE DIAGNOSTIC STRATEGIQUE
I) LE DIAGNOSTIC EXTERNE
A) L’environnement marchand
1) La clientèle
2) Les concurrents
3) Les fournisseurs
B) L’environnement non marchand
1) Les facteurs agissant sur la vente de produits 2) Les facteurs agissant sur la production 3) Les contraintes et opportunités de l’environnement a) Les externalités
b) Les réglementations
c) L’internationalisation
II) LE DIAGNOSTIC INTERNE
A) Les ressources financières 1) Le financement interne a) L’autofinancement
b) Les cessions d’actifs
2) Le financement externe
a) L’augmentation de capital
b) L’endettement
c) Le crédit bail
d) Le recours aux sociétés de capital risque
B) Les ressources humaines
1) La stratégie sociale 2) La flexibilité du travail
a) La flexibilité de l’emploi
b) La flexibilité des horaires
c) La flexibilité des coûts
d) La mobilité du travail
C) L’organisation et la stratégie
1) Organisation fonctionnelle et stratégie de spécialisation
2) Organisation divisionnelle et stratégie de diversification
3) Organisation régionale et stratégie d’expansion géographique
4) Organisation flexible et stratégie d’innovation
III) LE STRATEGIE : S’ADAPTER OU CONSTRUIRE
A) Le modèle de Porter
B) Le modèle Ressources-Compétences
LE DIAGNOSTIC STRATEGIQUE
Le diagnostic stratégique a pour objet l’appréciation de la compétitivité de l’entreprise. Par compétitivité, on entend la capacité de l’entreprise à affronter, grâce à ses ressources potentielles, la concurrence sans en supporter les inconvénients. Elle peut être appréhendée à partir de cinq pôles (la productivité, la flexibilité, l’innovation, la qualité et l’organisation):
- La productivité : C’est la production par unité de facteur (ici le travail ou le capital). On parle généralement de productivité moyenne (rapport production et facteur) ou de productivité marginale (rapport de variation). C’est elle qui conditionne le niveau des coûts et des prix.
- La flexibilité : C’est la capacité de l’entreprise à s’adapter rapidement aux changements de la demande et à une modification de l’environnement.
- L’innovation : C’est l’aptitude de l’entreprise à introduire de nouvelles techniques (produits ) qui lui permettront d’avoir une place privilégiée sur le marché.
- La qualité : C’est l’aptitude de l’entreprise à faire apprécier son produit auprès de sa clientèle. La différenciation des produits par la qualité peut s’exprimer en termes de rente. L’entreprise privilégiera une stratégie par la qualité plutôt qu’une guerre des prix qui serait ruineuse.
- L’organisation : c’est la capacité de l’entreprise à procéder à un agencement optimal de ses services, à coordonner les individus, à mettre enplace une ligne hiérarchique. Une organisation efficace stimule l’intiative, la responsabilisation et l’implication des salariés.
L’entreprise ne parviendra à atteindre de tels objectifs que si ses ressources potentielles le lui permettent. Le diagnostic interne conduit ainsi à identifier les facteurs internes de compétitivité ou points forts de l’organisation (en sens inverse, il mettra en évidence les facteurs internes de non compétitivité ou points faibles). Dans le même temps, l’entreprise devra procéder à une analyse de son environnement, afin de définir les contraintes et opportunités liées à son développement, ce que l’on nomme encore le diagnostic externe.
Ce modèle d’analyse, proposé durant les années 60 par 4 professeurs de Harvard, est généralement connu sous le nom de « SWOT » (Koening, 1996), acronyme de forces, faiblesses, opportunités et menaces (en anglais : Strength, Weakness, Opportunity, Threat).
I. LE DIAGNOSTIC EXTERNE
Le diagnostic repose sur l’identification des domaines clés de l’environnement et des évolutions des changements prévisibles de celuici. Ces changements résultent d’évolutions naturelles (exemple de la croissance du niveau de vie), d’actions de la concurrence (apparition de nouveaux produits), ou encore d’actions propres à l’entreprise (offre de certains services). Il s’agit donc de répertorier l’ensemble des éléments qui ont une influence sur l’entreprise « Ces contraintes », et ceux sur lesquels elle peut agir « Ces moyens d’actions ». Les premiers sont à la base de stratégies défensives face aux menaces, les seconds fondent les stratégies offensives face à des opportunités. L’environnement ne se limite pas aux relations marchandes (ou commerciales), il concerne également le domaine non marchand (démographie, sociologie, écologie, réglementations, institutions sociales .). Pour mettre au point une stratégie, l’entreprise devra tenir compte de ces deux éléments (qui auront un poids plus ou moins important dans les décisions économiques).
Fig 1 : L’entreprise et son environnement
A. L’environnement marchand
L’environnement marchand de l’entreprise est constitué par ses partenaires sur les différents marchés (aval et amont). Les partenaires de l’entreprise sont de trois sortes (les clients, les fournisseurs et les concurrents). Celle-ci doit dans un premier temps, identifier les partenaires actuels et potentiels, apprécier leur position par rapport à l’entreprise (quelle est la situation de pouvoir qui se dégage du marché ?) et prévoir l’évolution et la stratégie de ceux-ci (l’entreprise doit être capable d’anticiper pour mettre en place une stratégie avantageuse). Dans un second temps, et une fois le diagnostic effectué, l’entreprise devra sélectionner les partenaires avec lesquels elle aura des relations privilégiées (ceci peut entraîner l’abandon de certains fournisseurs), et négocier avec ces derniers afin d’établir un véritable réseau commercial.
1. La clientèle
Avant de mettre en place une stratégie, l’entreprise doit identifier les besoins de la clientèle afin de connaître leurs attentes et leurs besoins latents, déterminer les besoins qu’elle peut et veut satisfaire (exemple de la platine laser dont la commercialisation a été retardée pour pouvoir écouler les stocks importants de platines vinyle), puis appréhender les clients vers lesquels elle se tournera (en n’oubliant pas de distinguer le consommateur, l’acheteur, le distributeur, le prescripteur ). Lorsque l’entreprise est parvenue à obtenir un certain nombre d’informations sur la demande de son produit, elle peut tenter de segmenter le marché en différents sous-marchés. Cette politique consiste en fait à diviser les clients en sous-groupes homogènes, afin de leur vendre des produits ou des offres spécifiques (Packaging, exemple de l’informatique qui vend un matériel associé avec des logiciels pour les étudiants,). La segmentation du marché peut reposer sur les revenus, la qualité, le lieu, le temps (de nombreux biens sont vendus à un prix élevé dès leur introduction sur le marché, pour ensuite diminuer lentement dans le temps: on parle également de politique d’écrémage). Ces politiques discriminatoires seront mises en place si l’entreprise possède un pouvoir de marché (généralement le monopole), dans le cas contraire, le client ira voir un concurrent. Selon le type de clients et les caractéristiques du jeu de la concurrence (concurrence parfaite, oligopole, monopole, concurrence imparfaite), l’entreprise exercera sur ces clients un pouvoir de négociation ou subira au contraire le pouvoir de négociation de ceuxci (exemple des hypermarchés qui exercent une certaine domination sur leurs fournisseurs). Ce pouvoir de négociation dépendra de nombreux facteurs, tels que la taille de l’entreprise, la différenciation des produits, l’innovation (monopole temporaire), l’action commerciale (publicité, promotions ), la réputation (notoriété, image) ou la segmentation du marché, qui auront pour rôle d’accroître le pouvoir d’influence de l’entreprise.
2. Les concurrents
La concurrence peut être aussi bien directe (les firmes produisent des biens semblables) qu’indirecte (les firmes produisent des biens de substitution). Du point de vue stratégique (c’est à dire le long terme), l’apparition d’un produit de substitution est le plus grave car il peut remettre en cause l’existence même de l’entreprise. Si la concurrence est bénéfique pour une économie (notamment grâce à une baisse des prix qui relance la consommation, et ralentit l’inflation), elle est particulièrement néfaste pour une entreprise (elle peut remettre en cause sa survie). L’entreprise cherchera donc à limiter la concurrence exercée sur ses propres produits (l’innovation donne un avantage concurrentiel, les barrières à l’entrée empêchent l’arrivée de nouveaux concurrents, les brevets imposent des droits d’entrée, les normes et les labels accordent une rente à l’entreprise, la menace d’une baisse brutale des prix peut décourager l’entreprise) tout en augmentant celle exercée sur les produits de ses concurrents. Enfin des regroupements d’entreprises ont fréquemment pour objet de réduire la pression concurrentielle (exemple du rapprochement d’UTA, d’Air Inter et d’Air France par la prise de participation majoritaire d’Air France)
3. Les Fournisseurs
Vis à vis de ses fournisseurs, l’entreprise peut exercer ou subir des effets de domination. Le cas de la sous-traitance illustre la domination des donneurs d’ordre (de grandes entreprises) sur les sous-traitants (généralement des PME). L’entreprise aura généralement intérêt à éviter de dépendre d’un seul fournisseur (source de risque et de domination), et préférer le grand nombre. Il s’agit en fait d’un arbitrage entre grand nombre et petit nombre (celui-ci peut faciliter la transparence des relations entre les différents protagonistes et resserrer certains liens). Le pouvoir de négociation de l’entreprise dépendra également de sa taille, du nombre de fournisseurs potentiels, du degré de monopole sur le produit (existence de produits substituts ?)
B. L’environnement non marchand
L’environnement non marchand est constitué de toutes les structures sociales et institutionnelles qui ont une incidence directe ou indirecte sur le fonctionnement de l’entreprise. L’incidence est directe lorsqu’il y a des relations entre la firme et les composantes de l’environnement (indirecte dans les autres cas, l’administration peut ainsi affecter la fiscalité des ménages, et ainsi toucher les ventes des différents producteurs). Toute entreprise a un environnement non marchand spécifique dont elle doit identifier les domaines principaux. Pour cela, elle doit détecter les composantes de son environnement qui ont ou auront des conséquences sur ses activités (vente de biens, production, ou contrainte de l’environnement).
1. Les facteurs agissant sur la vente des produits de l’entreprise
Déterminer l’impact de l’environnement non marchand sur les ventes de l’entreprise, passe par une étude des facteurs influençant la demande. Dès lors, des variables non économiques tels que les facteurs démographiques (structure par âge de la population, projection de la pyramide des âges ), les facteurs culturels (développement de l’écologie, attitude vis à vis du temps de travail et du temps de loisir, rôle de la communication ), expliquent les changements dans la consommation des produits. Alors que les facteurs économiques (croissance de l’activité économique et du pouvoir d’achat, baisse de l’inflation ) expliquent surtout l’évolution de la consommation.
2. Les facteurs agissant sur la production de l’entreprise
Les modes de production, comme la nature et les caractéristiques des produits, évoluent principalement sous l’influence de facteurs technologiques et socio-économiques. Les facteurs technologiques comme l’automatisation, les matériaux composites, l’informatique modifient les stratégies de Recherche & Développement et de Formation. L’entreprise doit donc être capable d’anticiper leur changement afin de les répercuter sur la conception du produit. Les facteurs socioéconomiques comme les rapports homme-machine, le changement des mentalités (travail/loisir) conduiront à une nouvelle organisation de la production (travail à temps partiel, les 4/5 .).
3. Les contraintes et les opportunités de l’environnement
L’entreprise doit, avant d’élaborer une stratégie, prendre en compte toutes les contraintes ainsi que les opportunités qui s’offrent à elle. L’environnement peut aussi bien laisser planer sur elle une série de menaces qu’une multitude d’avantages qu’elle devra tirer partie. Les externalités, les réglementations ainsi que l’internationalisation sont des éléments de cet environnement.
a. Les externalités
Par son activité, l’entreprise exerce des effets externes sur son environnement, appelés externalités. Ces effets externes peuvent être négatifs (pollution, bruits ) ou positifs (animation culturelle, emplois créés..). L’entreprise devra donc réduire les effets négatifs et privilégier les effets positifs. Depuis quelques années, la stratégie des entreprises tend de plus en plus à intégrer les problèmes écologiques (exemple des campagnes publicitaires des marques de lessives, ou de Rhône Poulenc).
b. Les réglementations
Les changements législatifs et réglementaires nécessitent des adaptations de la stratégie de l’entreprise (exemple des firmes automobiles qui se doivent de réduire le degré de pollution des automobiles).
c. L’internationalisation
L’internationalisation croissante de l’activité économique crée des menaces (exemple d’Air France et d’Air Inter, qui font face depuis le 1er janvier 1997, à la concurrence de toutes les compagnies européennes), mais ouvre également des opportunités (avec la liberté de mobilité des hommes et des capitaux en Europe, une entreprise peut facilement s’implanter à l’étranger et délocaliser une partie de sa production).
II. LE DIAGNOSTIC INTERNE
Cet exercice est complémentaire au diagnostic externe. Il s’agit de distinguer les faiblesses (niveau d’endettement, part de marché) et les forces (capacité à créer, qualité du produit) de l’entreprise, afin d’établir un parallèle entre ce qui est possible (potentiel de l’entreprise) et ce qui est réalisable (compte tenu de l’environnement extérieur). C’est pour cela que l’on parle également de diagnostic organisationnel. Ce dernier repose principalement sur l’inventaire des ressources disponibles au sein de l’entreprise. Deux types de ressources ont une place importante dans la stratégie de l’entreprise : les ressources financières (elles conditionnent la survie de l’entreprise et lui fournissent les moyens monétaires de son développement) et les ressources humaines (sans lesquelles il n’y a ni activité ni projet). Ajoutons que pour être efficientes, ces ressources doivent pouvoir bénéficier d’une organisation adaptée à la stratégie suivie.
DIAGNOSTIC FINANCIER | DIAGNOSTIC HUMAIN | DIAGNOSTIC ORGANISATIONNEL |
A. Les ressources financières
Pour maintenir et accroître sa compétitivité, l’entreprise est amenée à réaliser des investissements stratégiques. Il s’agit principalement d’investissements matériels (achats de locaux et d’équipements pour accroître la capacité de production, augmenter la productivité et stimuler l’innovation), d’investissements incorporels (dépenses de R&D, de formation , de brevets, de logiciels ), d’investissements financiers (participation, création de filiale ) mais également d’investissements de fonds de roulement (car le besoin de financement de l’exploitation augmente proportionnellement au chiffre d’affaires : accroissement des stocks et des crédits accordés aux clients). Afin d’assurer le financement de ces investissements stratégiques, l’entreprise dispose de deux catégories de sources de financement : le financement interne et le financement externe.
1. Le financement interne
Le financement interne est constitué par l’autofinancement et la cession d’actifs non stratégiques. Le financement interne est le support indispensable du développement de l’entreprise car les prêteurs n’acceptent d’engager des capitaux qu’à condition que l’entreprise ait des fonds propres suffisants.
a. L’autofinancement
L’autofinancement est constitué de trois éléments : les dotations aux amortissements, la variation des provisions et les bénéfices non distribués mis en réserve. Afin d’accroître sa capacité d’autofinancement, il est donc nécessaire que l’entreprise ne distribue pas la totalité de ses résultats. Ajoutons que l’autofinancement est une ressource librement disponible que l’entreprise peut affecter à n’importe quel emploi. Ainsi, les dotations aux amortissements ne sont pas nécessairement affectées au remplacement des équipements. Elles sont souvent destinées à de nouvelles orientations stratégiques.
b. Les cessions d’actifs non stratégiques
La cession d’actifs représente une source de financement importante notamment lorsque l’entreprise dispose d’actifs inutiles à son exploitation. Cette opération est particulièrement intéressante du fait de l’évolution économique et de celle des prix de ces actifs. En dégageant des plus-values (différence entre la valeur pour laquelle le bien figure au bilan et le prix de vente), les cessions d’actifs peuvent être utilisées comme une source de financement au service de stratégies de redéploiement d’activités et de ressources. Il peut s’agir de stratégies de survie (les cessions libèrent un financement immédiat pour faire face à des échéances de remboursement d’emprunts), de dégagement (les cessions permettent de sortir d’une activité devenue non rentable) ou de recentrage (en cédant des actifs non indispensables, l’entreprise peut recentrer sa stratégie sur son métier principal).
2. Le financement externe
Les procédés de financement externe supposent le recours à des tiers tels que les actionnaires, les prêteurs, les banquiers, sociétés de crédit-bail . Or pour beaucoup d’entreprises, le recours à de tels procédés se heurte à de nombreuses difficultés, tant économiques (les petites entreprises ont souvent de grosses difficultés pour accéder au marché financier, la mauvaise conjoncture peut parfois interdire le recours au marché financier) que juridiques (les règles juridiques interdisent certains modes de financement à des types particuliers d’entreprises, ainsi l’émission d’obligations ne peut être réalisée que par des sociétés par actions). On recense généralement quatre formes de financement externes : l’augmentation de capital, l’endettement, le crédit bail et le recours aux sociétés de capital-risque.
a. L’augmentation de capital
Dans les grandes entreprises cotées en bourse, l’augmentation de capital consiste à mettre sur le marché une partie de son capital sous forme d’actions. Cette procédure est largement subordonnée à la distribution d’un dividende suffisant. Dans ces conditions, l’augmentation en capital est difficile pour les PME (soit les associés n’ont pas assez de fonds pour y souscrire et ne désirent pas introduire d’autres associés, soit la faible négociabilité des titres rende les souscripteurs réticents).
b. L’endettement
Le recours à l’emprunt permet de stimuler la croissance de l’entreprise pour deux raisons : d’une part, l’endettement recule la contrainte de financement et permet d’élever le volume des investissements, d’autre part, l’endettement peut améliorer la rentabilité de l’entreprise lorsque les taux d’intérêt sont bas. A l’opposé, l’endettement peut devenir un lourd handicap pour l’entreprise : l’obligation de remboursement alourdit en effet la trésorerie, le paiement des intérêts augmente les coûts, l’endettement accroît le risque financier, enfin au delà d’un certain niveau d’endettement, l’entreprise ne trouve plus de prêteurs. Afin d’éviter ces inconvénients, l’entreprise utilise en grande partie, l’endettement à long terme ou à moyen terme pour financer les investissements nécessaires à sa croissance.
c. Le crédit-bail
C’est un moyen commode de financer la stratégie de développement sans immobiliser des capitaux. Le crédit-bail est une technique contractuelle moderne de crédit à moyen terme selon laquelle une entreprise dite de crédit-bail acquiert, sur la demande d’un client, la propriété de biens d’équipements mobiliers ou immobiliers à usage professionnel, en vue de les donner en location à ce client pour une durée déterminée et en contrepartie de redevances ou de loyers. Cette pratique est cependant coûteuse (elle n’est donc utilisable que pour des opérations très rentables). Les constructeurs automobiles, les sociétés de l’aéronautique…ont souvent recours à cette politique commerciale.
d. Le recours aux sociétés de capital risque
Les entreprises innovatrices qui réalisent d’importants programmes de R&D, ont généralement du mal à accéder à des sources de financement externes du fait de l’incertitude de leur activité. Les banquiers hésitent en effet à financer de tels programmes étant donné qu’ils ne peuvent prendre aucune garantie réelle. Dans ces conditions, le financement de l’innovation peut être facilité par le recours à des sociétés de capital risque qui prennent des participations temporaires dans les entreprises. Elles espèrent revendre ensuite leurs titres avec d’importantes plusvalues.
3. La notion de potentiel financier
Ajoutons que pour exploiter son potentiel financier, l’entreprise se doit de préserver son équilibre financier et sa rentabilité. L’équilibre financier conditionne la survie de l’entreprise (en évitant les crises de trésorerie) et son développement (en permettent d’investir et d’emprunter). La rentabilité permet d’une part d’accroître les moyens de financement internes disponibles grâce à l’autofinancement, d’autre part de compléter ses ressources par des capitaux externes fournis soit par les associés, soit par des prêteurs en raison de la confiance qu’ils accordent à l’entreprise. La rentabilité est une condition de la rémunération des capitaux investis. L’entreprise est généralement amenée à se situer sur deux fronts : celui de la rentabilité à long terme (une ambition de croissance) et celui de la rentabilité à court terme (la capacité à financer cette croissance).
Fig 2 : Le potentiel financier
Rentabilité
Equilibre Financier - Bénéfice
- Volume des fonds Potentiel -- Taux de marge Capacité d’autofinancement propres - Niveau d’endettement Financier - Rotation du capital
- Fonds de roulement - Coût du capital emprunté
- Trésorerie disponible - Taux de rentabilité du capital investi
-capitaux propres Taux de rentabilité des
Trois outils peuvent ici être utilisés pour appréhender le potentiel financier d’une firme:
- les soldes intermédiaires de gestion (SIG) : ils présentent une décomposition de la formalisation du résultat, en fonction de la nature des produits et des charges (compte de résultat)
- les ratios mettent en relation des grandeurs extraites des documents de synthèse (bilan). Le bilan est une photographie instantanée de la situation de l’entreprise. Il ne peut s’apprécier dans l’absolu. C’est pourquoi il fait le plus souvent l’objet de comparaisons d’une année sur l’autre pour en dégager l’évolution, et situer l’entreprise par rapport à ses concurrents ou partenaires. Ces comparaisons sont généralement effectuées à partir d’indicateurs significatifs tels que les ratios.
- le fonds de Roulement et le Besoin de Fonds de roulement . On peut calculer la trésorerie (TN) qui fait la soudure entre le Fonds de Roulement (FR) et le Besoin de Fonds de Roulement d’exploitation (BFR), soit TN = FR – BFR.
Fig 3 : la contrainte de liquidité : FR > BFR
BFR | FR | BFR | FR |
TN | TN |
LIQUIDITE ILLIQUIDITE
La relation BFR-liquidité est particulièrement importante pour les entreprises présentant une structure financière fragile. Elle offre une grille d’analyse de la structure financière de l’entreprise.
Il est toujours utile de compléter l’étude du BDFR par une analyse des éléments qui le composent. Ceci nous invite à calculer les durées moyennes et les rotations des stocks et des crédits. Le cycle d’exploitation peut être plus ou moins rapide selon les entreprises, on peut ainsi évaluer pour les comptes de clients, de fournisseurs et de stocks :
- La durée moyenne du crédit accordé aux clients
Valeur moyennedescréancesàcourt terme(clients,effets àrecevoir,taxescomprises)×360 j
Montant annuel desventestaxescomprises
- La durée moyenne du crédit consenti par les fournisseurs
Valeur moyennedesdettes à court terme ( fournisseurs,effets àpayer,taxes comprises)×360 j Montant annuel des achatstaxes comprises
Ces deux types de durées doivent être surveillées afin qu’elles ne se détériorent pas. En outre, il est indispensable que la durée du crédit accordé par l’entreprise à ses clients soit plus courte que celle consentie par ses fournisseurs.
- La durée moyenne de stockage
CoûtValeurannuelmoyennedes produitsdu stockutilisés(hors(horstaxestaxes) ) ×360 j
L’entreprise doit surveiller cette durée d’une part pour éviter qu’elle ne se détériore, d’autre part pour la comparer aux normes de son secteur d’activité.
- La vitesse de rotation des stocks
CoûtValeurannuelmoyennedes matièresdu stockutilisées(hors(horstaxestaxes) )
B. Les ressources humaines
1. La stratégie sociale
La stratégie de l’entreprise est étroitement liée au potentiel humain. D’une part, la valeur des ressources humaines conditionne le choix des différentes stratégies possibles (ainsi si le personnel n’a aucune compétence commerciale, il peut être vain de vouloir s’implanter sur de nouveaux marchés). D’autre part, la stratégie permet de valoriser et de faire évoluer le potentiel humain de l’entreprise (la stratégie comporte alors des objectifs en matière de qualification, de motivation, de mobilité et d’intéressement du personnel). A partir de ces deux considérations, on peut avancer que la stratégie s’exprimera au travers des politiques de formation, de recrutement, de rémunération, de carrière et de participation. On parle alors de stratégie sociale.
Préalablement à toute définition de la stratégie, il convient cependant de procéder à une évaluation du potentiel humain de l’entreprise. Ce diagnostic des ressources humaines débouche sur la notion de Bilan Social. Ce dernier permet d’étudier les effectifs et les qualifications de l’entreprise afin de caractériser la pyramide des âges. Il apporte également des informations sur les conditions de vie dans l’entreprise (conditions de travail, d’hygiène, de sécurité ). Il fournit enfin des renseignements sur les résultats de l’entreprise en matière de formation. L’évaluation du potentiel humain doit toutefois dépasser les données quantitatives du bilan social. En effet, la croissance de l’entreprise nécessite des attitudes favorables aux changements. Or dans bien des cas, les ressources humaines constituent le principal obstacle à la croissance.
Elles peuvent être insuffisantes par leur qualification (formation inadaptée aux évolutions techniques, commerciales ) mais également par leur mentalité (absence d’esprit d’entreprise, rejet du changement, refus du risque et de l’initiative). C’est pourquoi, l’entreprise insiste énormément, ces dernières années, sur le caractère flexible du potentiel humain.
2. La flexibilité du travail
La flexibilité du travail porte essentiellement sur quatre domaines :
a. La flexibilité de l’emploi
Il s’agit d’ajuster les effectifs aux variations saisonnières, conjoncturelles ou structurelles de la demande. Cette flexibilité des effectifs est recherché par l’assouplissement des règles d’emploi des travailleurs. Ce dernier passe principalement par des formes de contrats de travail précaires (CDD, Travail Partiel ) et des externalisations du travail (sous traitance d’activités annexes ).
b. La flexibilité des horaires
L’aménagement du temps de travail répond à deux catégories d’objectifs difficilement compatibles. Une offre d’aménagement du temps de travail émanant des entreprises. Elle vise à allonger la durée d’utilisation des équipements, à accroître les heures d’ouverture des magasins, et à faire face aux variations temporaires de la demande. Une demande d’aménagement du temps de travail émanant des travailleurs. Elle vise à satisfaire les besoins individuels, à résoudre des problèmes de la vie courante (diminuer le temps de transport et la fatigue, recherche d’une vie familiale, éviter le stress ), à partager le temps entre travail et loisir, à ménager un espace de liberté dans l’organisation de la vie active. Pour concilier ces deux exigences, l’aménagement du temps de travail dans les entreprises s’est effectué selon deux orientations : la souplesse des horaires et la réduction du temps de travail. Quatre niveaux ont été introduits dans l’aménagement du temps de travail :
- les horaires variables journalières : l’horaire variable personnalisé comporte une plage fixe (ensemble du personnel présent) et deux plages variables (à la prise de travail et à la cession d’activité).
- la variation de la durée hebdomadaire du travail par rapport à la durée légale des 39 heures par le jeu des heures supplémentaires, du chômage partiel et des heures de récupérations (capital temps).
- l’annualisation du temps de travail
- l’aménagement de la vie de travail (cessation progressive d’activité, système de préretraite ).
Fig 5 : Aménagement du temps de travail
Aménagement du temps de travail
|
|
c. La flexibilité des coûts
Elle repose sur une individualisation des rémunérations pour tenir de la concurrence d’une part, et des performances individuelles d’autre part.
d. La mobilité du travail
La mobilité du travail présente plusieurs aspects : une mobilité interne à l’entreprise (changement de poste) ; une mobilité géographique (changement d’entreprise, de région) ; une mobilité professionnelle (changement de métier, de qualification). La mobilité est nécessaire pour élever la productivité (du travail et du capital) et pour réaliser les adaptations requises aux changements de l’environnement. Cependant, elle se heurte à de nombreuses résistances sociales (situation de sousemploi de la population active, liens familiaux, rigidité du marché du logement, inégale attractivité des métiers et des infrastructures d’accueil ).
C. L’organisation et la stratégie
Pour appliquer sa stratégie, l’entreprise doit mettre en oeuvre l’organisation adéquate. En effet, il y a un lien étroit entre la stratégie suivie par l’entreprise et le mode d’organisation adopté. D’une part, l’environnement (économique, commercial, technologique, financier) conditionne la stratégie. D’autre part, la stratégie permet de modifier l’environnement. La structure d’organisation choisie doit donc être adaptée simultanément à l’environnement et à la stratégie.
Fig 6 : La relation Environnement, Organisation, stratégie
1. Organisation fonctionnelle et stratégie de spécialisation
Les entreprises spécialisées dans une seule catégorie des produits, adoptent généralement une structure fonctionnelle. Elles sont organisées en grandes fonctions : technique, commerciale, financière souvent assistées de services de conseils, spécialisés et placés auprès des responsables des grandes fonctions. L’organisation fonctionnelle comporte : une direction générale, des services centraux responsables des grandes fonctions, des services opérationnels chargés des activités d’exploitation (approvisionnement, fabrication, vente ), des services fonctionnels spécialisés (chargés de conseiller les responsables hiérarchiques. En d’autres termes, l’organisation fonctionnelle est une organisation hiérarchique par fonctions.
Fig 7 : Organisation hiérarchique par fonction
Activités de conseil (juristes, psychologues du travail…)
Ingénieur de |
Centrale ’achats Cabinets d’études de marché
2. Organisation divisionnelle et stratégie de diversification
La stratégie de diversification entraîne un changement d’organisation. A chaque gamme de produits est associée une division autonome responsable de tous les aspects techniques, commerciaux, financiers et sociaux concernant la gamme de produits. Il s’agit d’une structure divisionnelle (on dit également divisionnaire), c’est à dire organisée en grandes fonctions constituant des centres de profit ayant des objectifs de rentabilité des capitaux.
Fig 8 : L’entreprise Salomon (rachetée par ADIDAS)
Direction Générale Contrôle de gestion
Marketing | Production | Comptabilité |
3. Organisation régionale et stratégie d’expansion géographique
Les grandes firmes ayant une activité internationale adoptent des structures régionales de façon à s’adapter aux particularités de chaque marché (comportements des clients, réglementations en vigueur, circuits de distribution ).
Fig 9 : Structure géographique
De manière générale, la constitution d’un véritable réseau nécessite l’organisation de l’entreprise par régions. Ce réseau sera constitué de démembrements géographiques d’entreprises (les succursales, les filiales locales) mais aussi de partenaires associés (les concessionnaires, les franchisés ). On parle alors de la structure géographique.
4. Organisation flexible et stratégie d’innovation
Plus l’environnement technique et commercial évolue rapidement, et plus l’entreprise doit adopter une structure flexible. Les structures flexibles sont fréquemment constituées de groupes de projet et de groupes d’études dont l’existence est temporaire et qui sont chargés d’objectifs précis (lancement d’un nouveau produit, implantation sur un nouveau marché). Ces groupes de projets ou d’études sont superposés à la structure traditionnelle de l’entreprise organisée par fonctions. Il s’agit alors d’une structure matricielle comportant une double organisation par fonctions et par projet. Cette forme d’organisation associe les services horizontaux, prestataires de services pour le compte de services verticaux responsables de projets.
Fig 10 : Organisation flexible, propice à l’innovation
Notons enfin que lorsque l’environnement est instable et turbulent, l’entreprise doit réduire les rigidités de son organisation car ces rigidités entraînent une inadaptation face à l’instabilité et aux variations de l’environnement (l’entreprise peut ainsi rechercher la décentralisation, une meilleure circulation de l’information ).
III. LA STRATEGIE : S’ADAPTER OU CONSTRUIRE
Si l’objectif d’une stratégie est bien l’adéquation entre le diagnostic interne et le diagnostic externe, celle-ci peut tout aussi bien consister à bâtir les compétences distinctives nécessaires à la maîtrise des facteurs clés de succès imposés par l’environnement – approche dite du out Æ in – qu’à infléchir les pratiques établies dans l’industrie selon les compétences distinctives détenues par l’entreprise – approche dite du in Æ out.
Fig 11 : Modèle de stratégies
|
Les pères fondateurs de la stratégie prônaient une synthèse entre ces deux postures, sans toutefois en donner la formule. Leurs successeurs n’y sont pas davantage parvenus. Une sorte de balancement – ce que l’on nomme le Swing du modèle SWOT- entre deux conceptions de la stratégie, selon qu’on la voit comme adaptation de l’entreprise à son secteur (la stratégie déduite) ou qu’on la conçoive comme le développement de compétences propres imposant leur valeur à l’environnement sectoriel (la stratégie construite). La première posture est de loin la plus répandue. Pour réaliser l’adéquation entre la firme et son environnement, on avance généralement qu’il suffit de comprendre la configuration à venir du secteur d’activité et de s’y adapter. Le modèle proposé par Mickael Porter, qui s’est imposé depuis plus de 15 ans comme le cadre de référence de l’analyse stratégique, exprime parfaitement cette approche où l’environnement apparaît comme un système de contraintes et d’opportunités, un jeu structuré dont il s’agit de comprendre les règles.
A. Le Modèle de Porter ou la loi du secteur
L’analyse industrielle, à laquelle est associé le nom de Michael Porter (1986) repose sur une série de 4 étapes.
Etape 1 : consiste à délimiter l’aire de jeu, que l’on parle d’industrie, de secteur ou de segment stratégique. La notion de secteur est constitué par l’ensemble des firmes produisant des produits fortement substituables.
Etape 2 : L’objectif de la stratégie est d’obtenir, au sein du secteur, un avantage concurrentiel décisif, durable et défendable en agissant sur les forces caractéristiques du secteur. A cette fin, il est indispensable d’identifier les forces qui conditionnent le jeu concurrentiel dans le secteur et qui sont au nombre de cinq (l’intensité de la lutte concurrentielle, la menace des nouveaux arrivants , la menace des produits de substitution, le pouvoir des fournisseurs, le pouvoir des clients). Il s’agit de comprendre les règles du jeu.
Fig 12 : Les Forces qui commandent la concurrence au sein d’un secteur
ENTRANTS POTENTIELS
L’obtention de l’avantage concurrentiel face à ces forces repose sur deux actions complémentaires (protéger l’entreprise de l’action de ces forces et influencer ces forces).
⇒ La pression concurrentielle
L’entreprise doit connaître les conditions de la concurrence en identifiant les facteurs de la pression concurrentielle. On peut identifier sept facteurs principaux qui accroissent la pression de la concurrence : - le nombre important de concurrents augmentant la compétition
- la grande taille des concurrents exerçant des effets de domination - le faible taux de croissance du marché accentuant la lutte pour les parts de marché
- la faible différenciation des produits entraînant, pour une entreprise particulière, l’impossibilité de fidéliser la clientèle
- un produit périssable entraînant des baisses de prix très importantes lorsque se manifestent des excédents d’offre
- des coûts fixes élevés conduisant des entreprises à consentir des remises
importantes en cas de récession économique
- la difficulté de changer d’activité en raison de l’existence de fortes barrières à la sortie telles que l’impossibilité de reconvertir des équipements très spécialisés (exemple de la sidérurgie).
Face à la pression concurrentielle, l’entreprise doit adopter une stratégie visant deux objectifs : d’une part accroître la pression concurrentielle qu’elle exerce sur le marché (en augmentant par exemple sa taille et sa part de marché), d’autre part réduire la pression concurrentielle qu’elle subit de la part des autres entreprises (en rendant par exemple ses produits distincts de la concurrence).
⇒ Les nouveaux arrivants
Les nouveaux arrivants constituent une menace car ils cherchent à capter une part de marché significative. La stratégie de l’entreprise peut y répondre en élevant des barrières à l’entrée. Ces dernières ont deux fonctions. Elles doivent empêcher matériellement l’accès au marché. Elles apparaissent sous la forme d’un contrôle des approvisionnements, d’un contrôle de la technologie, ou d’une maîtrise des réseaux de distribution. Elles élèvent le coût de l’accès au marché. Ceci passe par une fidélisation des acheteurs par l’image de marque, une longueur des séries créant des économies d’échelle, une antériorité de la production créant des économies d’apprentissage (effet d’expérience)
⇒ Les produits de substitution
Les produits de substitution sont une double menace pesant sur l’entreprise. Il s’agit en effet d’une menace actuelle de baisse des ventes, mais également d’une menace potentielle d’élimination du marché. La firme peut y remédier par sa stratégie en matière de coût (permettant une baisse des prix), de qualité (constituant un élément de différenciation par rapport aux substituts), d’innovation (intégrant les avantages des produits de substituts).
⇒ Les fournisseurs
En amont, la puissance des fournisseurs leur confère des moyens d’imposer leurs prix ou leurs pratiques commerciales. C’est notamment le cas lorsqu’un fournisseur dispose d’un monopole d’approvisionnement pour une matière première ou une concession de distribution exclusive sur un marché, ou bien encore lorsque l’entreprise doit s’adresser à un seul fabricant dont le produit est protégé par un brevet ou un savoir faire particulier. La dépendance envers le fournisseur peut être due à des causes techniques (brevet), à des causes commerciales (position de franchise, licence, concession), à des causes juridiques (contrats à long terme liant le client au fournisseur), à des causes financières (endettement élevé du client vis à vis du fournisseur). ⇒ Les clients
Symétriquement, en aval de l’entreprise, la puissance des clients lorsqu’ils sont peu nombreux ou de grande taille, se traduit par des exigences en matière de prix, de qualité, de délai de livraison et de service qui pèsent sur la rentabilité et la croissance de l’entreprise. Ainsi les centrales d’achat des grands distributeurs leur permettent d’exiger des fabricants des délais de règlement, des modalités de livraison ou des niveaux de qualité ainsi que des remises sur les prix d’achat. Dans le domaine industriel également, les clients peuvent imposer leurs conditions à leurs fournisseurs comme, par exemple, les constructeurs automobiles vis à vis de leurs sous-traitants.
D’une façon générale, lorsqu’il y a un excès d’offre sur un marché, la situation est favorable aux clients qui disposent d’un pouvoir de négociation élevé envers leurs fournisseurs désireux d’écouler leurs excédents. Inversement, comme nous l’avons vu, ce sont les fournisseurs qui peuvent exercer des effets de domination sur les marchés caractérisés par des excès de demande où ils sont en position de force pour imposer leurs conditions notamment en matière de prix.
Etape 3 : afin de mettre en place une tactique de jeu, la firme doit reconfigurer sa chaîne de valeur, c’est à dire internaliser les contraintes extérieures.
Etape 4 : Il reste à choisir une stratégie générique, dictée par les facteurs clés de succès repérés dans l’environnement, et par la capacité de la firme à la maîtriser. Plus généralement, Michael Porter souligne que l’entreprise dispose de trois grands types de stratégies pour lutter contre les forces concurrentielles : la domination par les coûts, la différenciation et la spécialisation.
La domination par les coûts, notamment par l’obtention d’une dimension suffisante, génère des économies d’échelle (c’est à dire des baisses de coûts liées à des séries longues) et des effets d’expérience (c’est à dire des baisses coûts provenant de la maîtrise progressive des techniques qui engendre des gains de productivité). La domination par les coûts correspond donc souvent à une production et à une distribution de masse (exemple de la stratégie des hypermarchés).
La différenciation confère aux produits de l’entreprise, grâce à des innovations techniques logistiques ou commerciales, des caractères distinctifs par rapport aux concurrents (exemple de l’avance technique, meilleure fiabilité, sécurité de fonctionnement, forte image de marque ).
La différenciation réduit les effets de substitution entre produits.
La spécialisation ou (focalisation) des activités permet la concentration des ressources sur un segment particulier d’activité où l’entreprise peut acquérir des compétences spécifiques (c’est à dire un métier) et un avantage concurrentiel. Cette stratégie est particulièrement bien adaptée pour les PME.
Aux plus gros et aux plus riches les stratégies de domination par les coûts ou par la différenciation, aux autres acteurs marginaux, les focalisations (spécialisations) sur des niches plus ou moins viables. Ce mode de pensée conduit à jouer sur les règles établies. Le stratégie se déduit des caractéristiques de l’environnement auxquelles l’entreprise doit se conformer, se soumettre, en jouant le plus habilement possible des marges de manœuvre qu’offrent les structures en place.
B. Le modèle Ressources et Compétences
On observe cependant, que certaines entreprises réussissent brillamment en ignorant superbement les règles du jeu. On parle alors de stratégies de rupture (Ikéa, Benetton, Nike, Toys’R’Us). Malgré, l’admiration que l’on porte à ces réussites atypiques, l’opinion dominante reste que ces audacieux n’ont pu s’imposer que parce que le secteur était faiblement structuré et que les barrières à l’entrée étaient mal érigées et mal défendues. Pourtant, depuis quelques années, on constate des cas encore plus troublants. Ce ne sont plus des opportunites qui prennent le pouvoir dans des secteurs archaïques et fragmentés, mais des leaders établis dans des secteurs tout à fait modernes et structurés. Comment expliquer les succès de CNN contre CBS, de Toyota contre Ford, de Canon contre Xerox, de Compaq contre IBM, de Sony contre Philips ?
On peut tout d’abord invoquer l’accélération et l’intensification de la concurrence, dépeindre un monde où règnent le chaos et la turbulence généralisée. Devant l’imprévisibilité, l’incertitude et l’instabilité, il n’y a plus ni anticipation possible, ni avantage acquis, ni position défendable. La stratégie de résume alors au changement permanent et à l’adaptabilité continue, elle devient tactique et se réduit à la construction d’une structure agile. Si cette interprétation contient une part de vérité, elle n’exclut pas une autre analyse, qui consiste à affirmer que ces réussites surprenantes ont des sources profondes, conscientes et délibérées : l’accumulation, le développement et l’exploitation des ressources et des compétences, volontairement coordonnées dans le but de créer un avantage concurrentiel, reposant sur le développement d’une force de capacité d’innovation, la construction d’une réputation valorisée par le client, la réorganisation de la chaîne de valeur selon une architecture singulière, ou l’accumulation d’actifs spécifiques générateurs de rentes. Cette interprétation, typique de l’approche out-in , est au cœur de la réflexion stratégique depuis le début des années 90, et constitue ce que l’on a l’habitude d’appeler « l’approche ressources et compétences ». Hamel G. et Prahalad C.K (1995) en sont les promoteurs les plus connus.
Les facteurs clés de succès et les règles du jeu qu’on peut identifier dans un secteur ne sont après tout que le reflet de la réussite passée des leaders en place, des ressources et compétences qui ont fait leur succès. Toute industrie est à l’image de ses leaders.Respecter ces règles du jeu, c’est admettre la domination des firmes installées. L’environnement n’est pas une donnée, mais un construit, et l’on doit le modifier plutôt que le subir. Le principe moteur de la stratégie n’est donc plus l’adaptation aux facteurs clés de succès, mais l’assemblage créatif des ressources et compétences cumulées par une firme.
Encart 1 : L’évolution stratégique d’IBM
L’évolution stratégique d’IBM est riche d’enseignements. Dans les années 70, fort du succès phénoménal de son modèle 360, IBM a très largement imposé ses ressources et compétences (maîtrise de l’informatique centralisée, excellente réputation auprès des grands comptes) comme facteurs clés de suucès de l’industrie. Tous les concurrents devaient jouer avec ces règles, établies à l’image du leader dominant. Cependant, cette extraordinaire suprématie a poussé IBM à négliger le segment alors exotique et balbutiant de la micro-informatique. Dans les années 80, constatant son endormissement sur une trajectoire déclinante IBM a cherché en vain à maîtriser les nouveaux facteurs clés de succès (marché de masse, guerre des prix, faible valeur du hardware) établis par Microsoft, Intel et Compaq, en modifiant brutalement ses compétences. Cela s’est traduit par des licenciements massifs, IBM voulant s’adapter en catastrophe à une industrie qui s’éloignait rapidement de ses compétences distinctives, et par des revirements pour le moins erratiques, comme le lancement puis la suppression d’une sousmarque de micro-ordinateurs assemblés à Taiwan, le fiasco retentissant du PC junior ou le perpétuel report de la plate-forme commune avec Apple et Motorola. Depuis la seonde moitié des années 90, cependant, avec l’accent mis sur les architectures client-serveur et le Network Computer, IBM tente de ramener le secteur informatique, sous couvert d’Internet, vers ses propres compétences historiques d’informatique centralisée, préférant construire l’industrie à son image plutôt que de se contenter de courir derrière Microsoft. Ce n’est plus IBM qui rattrape le secteur, mais le secteur qui est attiré par IBM.
L’art du Management, n°18, 16 mai 1997.
L’approche ressources et compétences marque également un renouveau du facteur temps. L’acquisition, l’accumulation, l’exploitation et le renouvellement des compétences impliquent un engagement durable sur une trajectoire stratégique délibérée, de manière à permettre le développement d’un processus d’apprentissage patient et coûteux, mais payant. Dans une certaine mesure, le modèle de Porter revenait à découvrir les règles d’aujourd’hui (c’est à dire établies hier) et non celles de demain. C’était une analyse stratégique au rétroviseur, bien moins pérenne que celle des ressources et compétences, qui rétablit la durée comme élément déterminant de l’interaction stratégique.
L’évolution d’un secteur apparaît ainsi comme une succession de règles du jeu – ou de jeux de règles – établies par des leaders le plus souvent temporaires. Par exemple, l’aéronautique a vu se succéder le moteur à piston et la suprématie de McDonnell Douglass, le turbopropulseur de Lockheed, puis le turboréacteur et le triomphe de Boeing. De même, l’organisation industrielle établie par Ford dans l’automobile, a été contestée puis remplacée par celle de Toyota, qui face à l’indigence de ses propres ressources n’avait pas d’autre choix que d’inventer de nouvelles règles du jeu. Plus généralement, les firmes japonaises, n’ayant généralement pas les ressources exigées pour un affrontement direct avec les américains ou les européens sur leur propre terrain stratégique, ont cherché – et souvent réussi – à déplacer le champs de bataille en établissant d’autres facteurs clés de succès, plus cohérents avec leurs ressources et compétences (externalisation, miniaturisation, innovations incrémentales…). La leçon a été comprise en retour, comme le prouvent par exemple, les exemples de CNN, de la SMART, de Nestcape, Bouygues Telecom, Renault (Espace, twingo, Scénic), du Club Méd,
Canal Plus, Banque Directe…
S’affranchir des règles du jeu ne signifie pas, évidemment qu’on soit libre de toute contrainte. Il ne suffit pas d’affirmer que l’on va révolutionner son marché, il faut s’en donner les moyens. Les ressources et compétences propres à la firme doivent être à même d’apporter un supplément de valeur au client. Les normes et les standards en place, les configurations de technologie établies constituent des filtres puissants et parfois destructeurs, au service des dominants.
A ce risque d’échec bien naturel s’ajoute un piège plus subtil, qui menace ceux qui ont réussi dans leur entreprise de reconfiguration. On constate que, lorsqu’une firme a changé les règles à son avantage, elle a bien du mal à les remettre en cause par elle-même et à reconsidérer ce sur quoi elle a établi sa domination. Elle est alors exposée à ce que D.
Miller (1993) appelle le « paradoxe d’Icare ». Trop assurée de sa maîtrise, et confirmée dans cette assurance par son succès, l’entreprise s’enferme sur une trajectoire au mépris de toutes les autres. Trop respectueuse de son passé, elle oubliera de développer de nouvelles ressources , de nouvelles compétences. Plus le succès aura été éclatant, plus il sera difficile d’accepter une remise en doute les recettes, et la firme deviendra rapidemment sa propre caricature. Le moment sera alors venu pour un outsider d’imposer de nouvelles règles, de déplacer le terrain de jeu et de laisser le leader établi s’étouffer dans ses convictions. Ce n’est donc jamais un leader qui change les règles du jeu au sein d’une industrie. S’il est leader, c’est qu’il maîtrise mieux que ses concurrents les règles en place, qu’il a généralement contribué à établir. Il n’a donc jamais intérêt à les contester.
Conclusion
Si la stratégie se veut une démarche d’adaptation à l’environnement, elle doit également le construire. Le modèle SWOT décompose la démarche stratégique en deux – le diagnostic externe et le diagnostic externe . Le modèle de Porter produit une approche où l’environnement apparaît comme un système de contraintes de d’opportunités, un jeu structuré dont il s’agit de comprendre les règles. Pourtant certaines entreprises réussissent en les ignorant. Et, depuis quelques années, on voit les leaders de secteurs structurés se faire supplanter par des outsiders. L’adaptabilité n’est pas seule en cause. Ces réussites viennent aussi de l’accumulation et de l’exploitation de ressources et compétences, reposant sur le décveloppement d’une forte capacité d’innovation, la construction d’une notoriété valorisée par le client ou la réorganisation de la chaîne de valeur. Cette démarche constitue « l’approche ressources et compétences ». Il faut chercher à être le premier à destabiliser l’industrie plutôt qu’être le dernier à l’entretenir. Ce qui sera d’autant plus difficile que l’on est leader dans l’environnement actuel. On peut dans cet optique favoriser le développement de systèmes de relations externes, réseaux et structures transactionnelles, capables de modifier aisément les ressources et compétences de l’entreprise ; ou mettre en place une organisation qui sache maintenir une stratégie établie tout en tolérant des projets déviants et des initiatives contestatrices, source de régénaration future. De même, il est nécessaire de se livrer à un double processus d’innovation et de développement : d’une part au niveau des produits, pour utiliser au mieux les ressources et compétences acquises et contribuer à les enrichir ; d’autre part au niveau des ressources et compétences elles-mêmes, pour les renouveler en fonction des orientations de long terme.