Cours avec exercices en economie de l’environnement et des ressources naturelles
Cours avec exercices en Economie de l’Environnement et des Ressources Naturelles
En 1998, les journées de l’Association Française de Science Économique furent organisées à Toulouse par Michel Moreaux et Michel Mougeot. Certaines des contributions présentées à cette occasion furent ensuite publiées par Économie et Prévision, dans le cadre d’un numéro spécial sur l’Économie de l’Environnement et des Ressources Naturelles Économie de l’Environnement et des Ressources Naturelles, numéro.... Ce numéro paraît dans un cadre identique. Il est lui aussi consacré à l’Économie de l’Environnement et des Ressources Naturelles. Il rassemble une sélection des contributions présentées en juin 2008 lors des Journées Thématiques de l’AFSE, organisées par le LERNA à Toulouse.
Dix années séparent ces deux numéros, soit un important laps de temps pour une branche relativement récente de l’économie. Dans leur introduction au numéro de juin 2000, Michel Moreaux et Michel Mougeot soulignaient la maturation progressive de la discipline. Jusque dans les années soixante-dix, elle reposait sur une collection d’articles devenus aujourd’hui des classiques. Elle a ensuite systématisé ces approches et développé un corpus de méthodes qui empruntent à diverses branches de l’économie et notamment à la théorie de la croissance, l’économie publique et la théorie du consommateur.
Il n’est pas exagéré de dire que l’économie de l’environnement et des ressources naturelles est devenue une force motrice du progrès scientifique dans ces domaines. L’étude de la croissance à long terme met aujourd’hui l’accent sur le progrès technique, lequel est traité comme une variable influencée par les politiques économiques. Les économistes de l’environnement ont enrichi ce modèle en distinguant des progrès techniques dédiés : ce qui ouvre la possibilité de choisir un type de croissance, plus ou moins verte, et permet d’étudier plus précisément les transitions entre différentes sources d’énergie. On notera également la façon dont un sujet central – la production d’énergie dans une économie – est peu à peu devenu du ressort de l’économie de l’environnement. De façon similaire, il est difficile aujourd’hui de pratiquer l’économétrie spatiale ou l’analyse hédonique sans prendre en compte la production sans cesse croissante d’études évaluant par exemple des dommages environnementaux. Enfin, l’analyse coûts-bénéfices, humble branche de l’économie publique, est aujourd’hui en plein essor. Il s’agit d’y intégrer certaines spécificités des questions environnementales, comme la prise en compte d’horizons de très long terme, ou de l’incertitude scientifique.
Les changements intervenus en dix ans sont donc considérables. Leur origine est sans doute à rechercher dans le contexte politique. Le changement climatique est aujourd’hui reconnu comme une menace importante, par l’ONU comme par certains des grands États de la planète et l’on négocie à l’échelle du globe un traité qui succédera au protocole de Kyoto (lequel fut ouvert à la ratification en 1998). En France, des questions autrefois considérées comme techniques et du ressort de spécialistes font aujourd’hui l’objet de débats politiques importants : partage des ressources en eau, taxe carbone, préservation de la biodiversité, sont autant de sujets dont les sociétés se sont saisies. En bref, l’environnement est aujourd’hui placé au premier rang des préoccupations politiques.
Les demandes adressées aujourd’hui aux économistes de l’environnement sont donc multiples. Elles sont également précises et à visée opérationnelle : il s’agit de déterminer les meilleurs instruments de politique économique, d’évaluer des dommages, des politiques publiques. Pour cela les outils conceptuels existent, mais il faut les adapter à un monde toujours plus complexe que le modèle le mieux construit. Que devient un modèle de croissance à la Dasgupta-Heal-Solow lorsque l’on tient compte de multiples sources d’énergie, du caractère endogène de la recherche, ou de la séquestration du carbone ? Les politiques publiques doivent-elles être modifiées lorsque les entreprises se lancent dans des initiatives unilatérales de réduction de la pollution ? Que sait-on vraiment sur les réactions d’agents individuels face à des taxes, ou des schémas de régulation complexes ? Quelle architecture mettre au point pour des marchés d’émissions – marchés dont l’idée même n’émergea que dans les années soixante et qui portent aujourd’hui sur des montants considérables ?
Les articles sélectionnés pour ce numéro illustrent la variété de ces questions, ainsi que les différentes méthodologies employées. Ils ont été regroupés en trois groupes : changement climatique et énergie, rôle des entreprises et gestion des ressources naturelles.
Changement climatique et énergie
À l’heure où l’issue du sommet de Copenhague de décembre 2009 semble pour le moins incertaine, l’article de Dominique Bureau expose les grands enjeux et les modalités possibles d’un accord global sur le climat. Il plaide pour une amélioration, une extension et une consolidation du marché de permis d’émissions négociables, pour l’heure essentiellement européen, qui permettra d’établir un prix unique mondial du carbone et de stimuler l’innovation technologique. Il rappelle le rôle essentiel d’institutions restant à créer pour gérer l’accord et en assurer la crédibilité.
Alors que les débats au sein des pays développés sur la lutte contre le changement climatique conduisent à préconiser le renchérissement des énergies fossiles, par la fiscalité carbone ou par un marché de permis d’émissions négociables, ils omettent souvent d’examiner les conséquences de ce renchérissement sur les pays producteurs de ces énergies et mettent l’accent sur l’efficacité en oubliant la redistribution. L’article de Julien Daubanes et Ruxanda Berlinschi propose une réflexion originale sur ce thème. Les auteurs observent qu’il existe deux types de transferts, considérables et en sens contraires, entre les pays développés et les pays en développement producteurs de pétrole : la fiscalité pétrolière et l’aide au développement. Les premiers reprendraient ainsi d’une main ce qu’ils donnent aux seconds de l’autre. Ils proposent une solution contractuelle à ce problème, dans laquelle les pays consommateurs diminueraient la fiscalité pétrolière conditionnellement à une redistribution du surplus de revenus du pétrole ainsi engendré aux ménages pauvres des pays producteurs.
L’article d’André Grimaud et Luc Rouge apporte également un éclairage original sur la politique climatique, en examinant les conséquences de l’existence d’une technologie de séquestration du carbone émis lors de la combustion des énergies fossiles. Une telle technologie, si elle se généralise à un coût acceptable, permet de déconnecter partiellement combustion des énergies fossiles et émissions de carbone. Les auteurs montrent, dans le cadre d’un modèle de croissance endogène, que la séquestration autorise à brûler davantage d’énergies polluantes et, de façon plutôt contre-intuitive, peut engendrer de plus fortes émissions de carbone à court-moyen terme.
Enfin, le dernier article de ce groupe peut s’interpréter comme l’étude d’une autre solution pour diminuer les émissions de carbone : substituer aux énergies fossiles l’énergie nucléaire, sachant que cette dernière engendre des déchets radioactifs dangereux et que l’on échange donc un risque contre un autre. Alain Ayong Le Kama et Mouez Fodha s’intéressent au stockage optimal des déchets nucléaires et montrent que l’incertitude sur la sécurité des sites d’enfouissement des déchets conduit la société à adopter un comportement de stockage prudent.
Le rôle des entreprises
Les entreprises s’affichent aujourd’hui comme des acteurs importants de la politique environnementale. Elles mettent en avant leur comportement socialement responsable, en soulignant les efforts accomplis pour réduire leurs émissions polluantes. Deux articles proposent des analyses de ces phénomènes.
Stefan Ambec et Paul Lanoie s’interrogent sur la rationalité de ces comportements. En toute orthodoxie, une entreprise qui s’impose des contraintes supplémentaires doit réduire sa profitabilité. Cependant, certains arguments, notamment liés à l’organisation interne de la firme, pourraient justifier que des contraintes supplémentaires aboutissent in fine à une augmentation des profits ; donnant ainsi des fondations théoriques à la fameuse hypothèse de Porter. L’article est un exposé très complet de ces arguments, lesquels sont systématiquement rapportés aux résultats des nombreuses études empiriques existantes.
Pierre Fleckinger et Matthieu Glachant adoptent un point de vue de politique publique. Il est souvent postulé que celle-ci repose sur la taxation, un processus cependant lourd et coûteux. Les gouvernements semblent en fait souvent lui substituer la négociation d’accords engageant les entreprises à des actions plus respectueuses de l’environnement, la taxation ne servant plus que de menace. Afin d’améliorer sa position dans la négociation future, une firme peut alors rationnellement choisir de réduire unilatéralement ses émissions ; ce que les auteurs identifient à un comportement socialement responsable. L’analyse permet donc de justifier l’apparition de ces comportements et de caractériser leurs effets sur le bien-être et la politique publique optimale.
La gestion des ressources naturelles
En pratique, la gestion des ressources naturelles soulève la question des réactions des agents à une régulation, dès que celle-ci est un peu plus complexe qu’un changement de prix. Le développement récent de l’économie expérimentale a permis d’étudier ces réactions dans des situations contrôlées, et deux des articles de ce groupe sont centrés sur ces méthodes. Le troisième article enrichit une analyse hédonique relativement classique par des considérations de voisinage, montrant ainsi l’intérêt de l’économétrie spatiale pour la gestion de l’environnement.
Stefan Ambec, Alexis Garapin, Laurent Muller et Carine Sebi s’intéressent au cas d’une ressource commune dont la gestion est menacée par une malédiction des communs. Divers instruments permettent théoriquement de résoudre ce problème : taxes, subventions, quotas transférables ou non. Chacun de ces instruments a cependant des conséquences différentes sur la redistribution de la richesse entre agents. Les expériences menées permettent d’évaluer à la fois l’efficacité et l’acceptabilité de chacun de ces instruments.
Marielle Brunette, Laure Cabantous, Stéphane Couture et Anne Stenger adoptent une approche similaire pour analyser diverses formes de fourniture d’assurance à des propriétaires forestiers. On sait que la forêt est soumise à d’importants risques naturels et que pourtant les propriétaires ne demandent que peu d’assurance contre ces risques – peut-être en raison de l’existence de systèmes d’interventions publiques contingentes à une catastrophe naturelle. En plaçant des propriétaires forestiers dans des situations hypothétiques caractérisées par divers systèmes publics/privés, les auteurs sont en mesure de mieux évaluer ces effets d’éviction. Le rôle des croyances des agents est évidemment essentiel et l’un des axes de cet article est la distinction entre aversion au risque et aversion à l’ambiguïté.
Le dernier article de ce numéro s’intéresse également aux croyances des agents sur la possibilité d’une catastrophe, en l’occurrence d’une catastrophe industrielle. Un moyen d’identifier ces croyances est de mettre en relation les prix immobiliers et la distance à une entreprise reconnue comme menant des activités risquées. Muriel Travers, Emmanuel Bonnet, Morgane Chevé et Gildas Appérémènent donc une analyse hédonique sur ces données, en utilisant des outils d’économétrie spatiale qui permettent de caractériser l’effet d’un tel voisinage sur les prix immobiliers.
Une architecture de l’action internationale vis à vis du risque climatique s’est esquissée à Kyoto en 1997. Celle ci combine des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre contraignants par pays, et la possibilité d’échanges de ces quotas.
Pour les promoteurs les plus actifs d’un tel marché de quotas d’émissions, il s’agit d’établir ainsi un prix unique mondial du carbone, pour orienter efficacement les efforts de réduction d’émissions, en transposant à ce problème des instruments expérimentés avec succès pour des pollutions locales, comme cela fut le cas au États-Unis pour le dioxyde soufre. Le rôle de ce mécanisme de flexibilité demeure cependant controversé. Beaucoup considèrent en fait que chaque pays devrait réaliser, autant que possible, lui même son objectif. Même si le recours à ce type de mécanisme s’est développé depuis, avec notamment, en Europe, la construction d’un marché de carbone pour les industries fortement émettrices et le secteur de l’énergie, il reste perçu par ceux-là comme une concession faite alors aux Etats-Unis. En tout état de cause, le dispositif mis en place à Kyoto demeure très imparfait compte tenu de son étendue limitée à la fois en termes géographiques et temporels. Ses perspectives d’évolution constituent ainsi un élément clé des négociations climatiques.
L’analyse économique des accords sur le climat conduit tout d’abord à souligner l’importance de ces mécanismes d’échanges associés au protocole de Kyoto, pour maîtriser les coûts d’abattements. Cette maîtrise requiert en effet un nombre suffisant d’instruments, pour pouvoir séparer les incitations à la mobilisation des efforts, de la répartition de leur charge. Ces mécanismes doivent cependant être consolidés et perfectionnés pour donner aux marchés la visibilité de long terme qui est nécessaire pour stimuler le déploiement d’innovations technologiques.
La mise en place d’un tel instrument pour traiter d’une pollution globale soulève cependant des questions spécifiques. Un accord global s’interpréterait comme une solutionCoasienne entre les différents pays de la Communauté internationale, ce qui conduit à rappeler l’acuité des problèmes d’information asymétrique et de participation à résoudre et à en préciser la nature. Ces éléments suggèrent de déplacer la réflexion, des discussions quantitatives sur les engagements pris, vers les institutions et la gouvernance à mettre en place pour gérer cette Convention, pour assurer, par exemple, que les engagements ne soient pas de fait renégociables.
Une architecture de l’action internationale vis à vis du risque climatique s’est esquissée à Kyoto en 1997. Celle-ci combine des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre contraignants par pays et la possibilité d’échanges de ces quotas (cap and trade). Pour les promoteurs les plus actifs d’un tel marché de quotas d’émissions, il s’agit d’établir ainsi un prix unique mondial du carbone, pour orienter efficacement les efforts de réduction d’émissions.
Le rôle de ce mécanisme de flexibilité, qui offre la possibilité à un pays de faire réaliser dans un autre les réductions qui lui sont imposées, demeure cependant controversé. Pour beaucoup, chaque pays devrait réaliser, autant que possible, lui même son objectif. Même si le recours à ce type de mécanisme s’est développé depuis cette date, avec notamment, en Europe, la construction d’un marché du carbone pour les industries fortement émettrices et le secteur de l’énergie, il reste perçu, par ceux-là, comme une concession faite alors aux États-Unis dans la négociation. En tout état de cause, le dispositif mis en place à Kyoto demeure très imparfait compte tenu de son étendue limitée, en termes géographiques et temporels. Ses perspectives d’évolution constituent donc un élément crucial des négociations climatiques.
À cet égard, la conférence de Bali, en décembre 2007, avait lancé le processus de négociation en vue de conclure à Copenhague en 2009 un nouvel accord sur le climat, et établi un cadre de travail à cet effet. Si l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, en février 2005, avait en effet constitué un succès, l’établissement d’un nouvel accord était devenu nécessaire, à la fois pour éviter un vide juridique pour la période post-2012, et parce qu’il faut impérativement impliquer, compte tenu de leur niveaux d’émissions actuels et tendanciels, les américains et les grands pays émergents à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour que celui ci soit à la hauteur des enjeux, maintenant bien documentés par les rapports du Giec.
Les États-Unis et la Chine sont en effet les principaux émetteurs de CO2, pour des parts qui atteignaient respectivement 22% et 18% des émissions en 2004. De plus, la croissance des émissions chinoises est très rapide, celles ci ayant plus que doublé depuis 1990. La Chine est ainsi devenue le plus gros émetteur de CO2 à la fin de cette décennie.
L’agenda de Bali établissait plus précisément quatre chantiers, sur l’atténuation du changement climatique, l’adaptation, la coopération technologique, et sur le financement des actions dans les pays en développement. Ce programme très étendu souligne la multiplicité, la complexité et l’imbrication des questions en débat.
Cette complexité reflète les controverses scientifiques sur l’appréhension des enjeux, et des conflits d’intérêts énormes entre les différents acteurs, au regard notamment de la répartition des coûts qui devraient être engagés pour stabiliser la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Elle traduit aussi des divergences d’appréciation entre experts économiques, face à un problème sans précédent, sur le choix des instruments à mettre en place, entre prix, quantités, et soutien à l’innovation, par exemple. Il en résulte de multiples débats, au sein desquels il est souvent difficile de démêler les arguments économiques de fond, des arguments d’économie politique, ou de défense d’intérêts particuliers. Cela est pourtant essentiel si l’on veut établir des dispositifs satisfaisants, car, a contrario, l’expérience du système de permis européens de CO2 a montré à quel point il n’y a pas de miracle : tous les écarts à ce que l’économie prescrivait (visibilité à long terme, paiement des permis par les nouveaux entrants, non perte de permis en cas de fermeture des installations, pénalités crédibles, possibilités de reporter des permis entre périodes etc.) se sont traduits par des distorsions importantes dans le fonctionnement de ce marché.
La recherche en économie est fortement mobilisée pour éclairer ces questions. Dès la reconnaissance scientifique du problème posé par les émissions de gaz à effet de serre, à la fin des années quatre-vingt, des travaux pionniers avaient perçu les enjeux économiques associés aux politiques climatiques et établi la nécessité d’aborder celles-ci dans le cadre général de l’économie de l’environnement, avec comme élément clé l’instauration d’un signal-prix du carbone. La contribution séminale à cet égard a été celle de Nordhaus (1992, 1994), qui, le premier, a développé des modèles de croissance intégrés pour calculer les coûts marginaux des dommages associés aux émissions de gaz à effet de serre et par là la taxe carbone optimale qu’il conviendrait d’appliquer suivant les principes pigouviens. Les économistes de l’environnement ont ensuite joué un rôle déterminant dans le choix des instruments, en proposant de transposer au problème des émissions de CO2 les instruments de marché qui avaient été expérimentés pour réguler les émissions de dioxyde de soufre des centrales électriques aux État-Unis. Cette proposition, reprise par l’administration américaine, a débouché sur le dispositif de cap and trade retenu à Kyoto.
La nécessité d’une action précoce a ensuite été plaidée vigoureusement par Stern (2007), sur la base de nouvelles analyses coûts-avantages, dont la contre-expertise a initié un essor sans précédent de travaux économiques. Ceux-ci mobilisent une palette très large de disciplines. Outre, l’économie de l’environnement, sont aussi concernées la théorie des jeux et l’économie du commerce international pour la réflexion sur les négociations, l’économie durisque, de l’incertain et de la finance pour concevoir les instruments d’unefinance carbone, ou encore l’économie industrielle des secteurs concernés, par ailleurs très nombreux : pétrole, ciment, acier, production d’électricité, agriculture et forêts, transports et aménagement etc. Mais il en résulte un cloisonnement entre : d’un côté, des contributions qui donnent une vision détaillée des enjeux déclinés dans le cadre institutionnel de l’agenda des négociations (de Perthuis, 2009 ; ou Vieillefosse, 2009) ; et de l’autre, des ouvrages plus théoriques, tel celui coordonné par Guesnerie et Tulkens (2009), qui reprennent, en amont, la discussion sur les alternatives aux solutions retenues à Kyoto, ou approfondissent l’apport de chaque discipline à la résolution économique du problème climatique.
L’introduction que nous proposons ici se situe à un niveau intermédiaire. Elle vise à prendre du recul par rapport aux aspects les plus contingents des négociations, mais en restant cependant à un niveau élémentaire, pour demeurer accessible aux non spécialistes du domaine. Par ailleurs, le souci est plutôt de couvrir l’ensemble des questions économiques concernées, que d’en approfondir une en particulier. Surtout nous prenons comme fil directeur le dispositif de marché d’émissions introduit à Kyoto, dont on a en effet souligné le rôle central dans la Convention climat.
Le point de départ sera un modèle minimal de jeu d’abattements, volontairement schématique. L’objet n’est pas en effet de proposer des développements nouveaux, mais au contraire d’identifier, à partir d’un modèle canonique, les points qui font l’objet de controverses, et leur nature. Ceci permettra de signaler, à l’attention des praticiens de ces négociations, l’importance de contributions provenant de la théorie des jeux, souvent formulées d’ailleurs dès le milieu des années quatre-vingt-dix. Évidemment, celles ci resteront évoquées en termes généraux, l’objectif poursuivi ici étant seulement de fournir un guide pour comprendre les enjeux économiques sous-jacents. Après avoir rappelé l’analyse économique des mécanismes de flexibilité introduits à Kyoto, on examine les problèmes de passager clandestin associés au processus de négociation, puis les problèmes de gouvernance résultant de l’incertitude sur les coûts et les dommages concernés.
L’acquis de Kyoto
Formalisation d’un jeu d’abattements
Pour guider la réflexion, nous considérons un jeu très simple, directement inspiré des manuels d’économie publique (cf. par exemple Henry, 1989). Il adapte, pour les présenter dans un cadre unique, les modèles utilisés notamment par Barrett (2006) et Pratlong (2006). La Communauté internationale est composée de n pays (i) devant choisir leurs niveaux d’abattement (zi) par rapport à la situation de référence. Notant Q le niveau d’abattement total (Q = ?iz i), on suppose que le gain net pour le pays i, estimé en termes monétaires, est de la forme :
Le premier terme représente les bénéfices tirés de l’atténuation du changement climatique, que le pays considéré valorise avec le coefficient bi. Celui ci représente donc la valeur, en termes de dommages, de la tonne de carbone (ou de la ppm de concentration de gaz à effet de serre) évitée, pour ce pays. Le second représente les coûts d’abattement engagés par celui ci, le coefficient g i? 0 étant donc d’autant plus élevé que le pays dispose de gisements à faible coût de réduction de ses émissions.
Collectivement, les pays auraient intérêt à coopérer pour maximiser le surplus global ?? i. Les niveaux d’abattements correspondants vaudraient :
Ils reflètent un bilan coûts – avantages global entre les bénéfices retirés par l’ensemble des pays d’un effort supplémentaire de chaque pays et les coûts à engager pour cela. Mais l’atténuation du climat, telle que formalisée ici, est un bien public (Bergstrom et alii, 1986) pour la Communauté internationale. Individuellement, chaque pays a intérêt à compter sur les efforts des autres et à ne s’engager lui même qu’en fonction du retour direct qu’il peut en obtenir. En l’absence d’accord international, la référence à considérer est donc celle de l’équilibre de Nash, où chaque pays ne considère que la valeur pour lui de la tonne de carbone, et non sa valeur collective, somme de ces valeurs pour tous les pays, ce que traduisait la condition (1) précédente. On a pour cet équilibre :
Les efforts consentis sont donc très insuffisants par rapport à ce que serait une solution coopérative, chaque pays ne prenant pas spontanément en compte les bénéfices pour les autres que procurent ses efforts.
Ce schéma très simple permet déjà de séparer deux aspects bien distincts de la réflexion sur les négociations climatiques :
- première étape, la caractérisation de l’objectif de stabilisation des émissions (Q*) qui serait souhaitable socialement, et sa répartition entre pays, par rapport à l’objectif de l’atteindre au coût minimum,
seconde étape, les conditions dans lesquelles la négociation d’une convention internationale va permettre de s’en rapprocher, ce qui signifie en particulier dépasser les problèmes de passager clandestin associés à la divergence entre l’optimum (1) et l’équilibre (2).